Déclaration liminaire au CTSJ du 24 novembre 2016

Téléchargez la déclaration liminaire en PDF.

Déclaration à la réunion du Comité Technique

des Services Judiciaires du 24 novembre 2016

Madame la Présidente,

Les jours du gouvernement étant manifestement comptés, l’administration n’a donc de cesse de multiplier les réunions avec des ordres du jour copieux pour faire passer au plus vite ses textes, et l’empressement est à la hauteur des mauvais coups que même la droite n’aurait pas osé… le travail sera donc très largement entamé et la vraie droite pourra donc poursuivre le démantèlement du service public, supprimer des postes de fonctionnaires sera d’autant plus facile dans un tel contexte. Même la justice judiciaire ne sera pas épargnée contrairement à ce qui est véhiculé.

Ainsi, la loi du 18 novembre 2016 dite de modernisation de la justice du 21ème siècle est un sacré coup porté tant à la conception que l’on peut avoir de la justice, aux missions de service public qu’aux métiers de greffe.

Sans reprendre l’intégralité du texte, quelques points saillants tout de même concernant cette loi :

* Les modes alternatifs à la résolution des différends :

Si dans l’absolu instaurer des modes alternatifs à la résolution des différends via la conciliation ou la médiation est plutôt louable, qu‘un décret de mars 2015 le prévoit déjà, pour autant, il y a fort à craindre que le dispositif soit détourné non pas tant pour désamorcer les conflits que pour déstocker et tenter de réguler les flux de procédures.

Cette mesure a aussi un coût pour l’usager. Qu’en sera-t’il des plus démunis ? Y aura-t’il suffisamment de conciliateurs et/ou de structures de médiations pour intervenir ?

Il ne faut non plus oublier que cette réforme aura aussi un impact sur le greffe, en amont avec la question des convocations et en aval avec la nécessité d’avoir des audiences d’homologation.

* Le transfert des PACS vers l’Officier d’Etat civil :

C’est une réforme que nous aurions pu saluer si elle avait été menée jusqu’au bout en retirant la compétence partagée avec les notaires.

* Le transfert du divorce aux notaires :

Il s’agit là encore d’une mesure particulièrement scandaleuse qui, au motif de désengorger les juridictions, fait la part belle aux auxiliaires de justice qu’il s’agisse des notaires ou des avocats.

Cette procédure qui n’était déjà pas gratuite puisque la représentation par avocat est obligatoire en matière de divorce, sera encore plus coûteuse pour les couples qui opteront pour le divorce par consentement mutuel (procédure pour laquelle il est le plus couramment opté) puisque chacun des futurs ex-époux devra avoir un avocat alors qu’actuellement un même avocat peut intervenir pour les deux, et qu’en outre ils devront avoir recours à un notaire qui facturera sa prestation, alors que la saisine du juge est elle gratuite.

Cela fait longtemps à la CGT que nous nous sommes positionnés pour une déjudiciarisation du divorce par consentement mutuel, mais assurément pas en abandonnant ce pan de service public au secteur privé.

Du même coup, les notaires récupèrent la compétence de certification des actes de divorces qu’ils vont délivrer. Autant dire que l’affaire est juteuse pour eux !

* Les transferts aux notaires en matière successorale :

Là encore, la part belle est faite aux notaires. Ainsi, les envois en possession, les successions vacantes échappent désormais au contrôle du juge et relèvent de la compétence du notaire sauf en cas de conflit. S’agissant de successions où il n’y a pas d’héritiers, cette mesure interpelle d’autant plus.

* L’extension de compétences à des DSG du ressort ou à des greffiers chef de greffe :

Nous attendons avec intérêt mais aussi inquiétude, quel va être le sens donné par les chefs de cour au mot « exceptionnel » lorsqu’ils feront application de l’article L 222-4 du COJ. Inutile sans doute de préciser que nous serons particulièrement vigilant quant à l’application de ce texte.

Nous ne doutons pas aussi qu’une des conséquences, s’agissant de la vérification des comptes de gestion de tutelles, sera d’avoir davantage encore recours aux huissiers de justice, d’autant que l’administration se fait fort de les former préalablement.

Là encore, ce sera un coût supplémentaire supporté par la personne protégée, alors que cette vérification, essence même de la mesure de protection est gratuite lorsqu’elle est réalisée par le greffe. Pour le DGS, sa responsabilité demeure entière, puisqu’il ne s’agit que d’une pré-vérification et qu’il lui incombe d’approuver ou non des comptes qui auront été vérifiés par un auxiliaire de justice.

Nous avons pu lire dans la publication n° 44 de « Vous Juridictions » consacrée à la publication de la loi J21, qu’elle avait vocation à : 

« Adapter le travail des juridictions aux attentes des justiciables et aux besoins des magistrats, voilà les objectifs du projet de modernisation de la justice du 21ème siècle, une vaste réforme des services judiciaires récemment votée par le Parlement et dont le texte vient d’être promulgué.

Nous n’allons pas épiloguer davantage sur cette loi scélérate dans le cadre de cette déclaration, nous aurons l’occasion d’y revenir au cours des débats. Quoi qu’il en soit les ambitions et objectifs affichés au moment de la mise en place des réflexions sur la justice du 21ème siècle ont fait long feu. Cette justice estimée incomprise par les usagers, s’éloigne un peu plus encore d’eux et de leurs préoccupations. Elle sera encore un peu plus coûteuse pour eux et ne leur sera assurément pas plus lisible et accessible.

La réforme de la carte judiciaire de 2008 de Dati avait sérieusement mis à mal les implantations territoriales et les organisations de travail sans compter l’impact non négligeable sur les fonctionnaires. Les réformes issues des réflexions et de la loi du 18 novembre 2016 sont bien loin d’apporter la modernisation dont ce texte se prévaut, les conséquences seront bien plus désastreuses encore tant pour les usagers que pour les fonctionnaires. Ainsi, la pérennité des structures judiciaires est clairement menacée, entre les transferts de compétence du juge vers les auxiliaires de justice, du TI vers le TGI, les pseudo-réformes statutaires des greffes, il va de soi que nous nous dirigeons tout droit vers le TPI.

A quand un retour vers la privatisation des greffes et des titulaires de charge ?

S’agissant de la mise en œuvre des mesures relatives aux parcours professionnels, rémunérations et carrières, il n’est sans doute pas inutile de rappeler qu’au niveau de la fonction publique, la CGT a refusé de signer le protocole et a lancé une pétition, il n’est en effet pas acceptable qu’un plan censé améliorer les carrières aboutisse, dans certains cas, au résultat strictement inverse.

Pour les services judiciaires et plus particulièrement les greffiers, ce que la fonction publique propose aujourd’hui n’a strictement rien d’exceptionnel et ne doit rien à la pseudo réforme de 2015 qui a abouti pour les C qui ont accédé au corps des greffiers à un manque à gagner substantiel et à un allongement de leur carrière. Ce qui est proposé est ni plus ni moins l’application de « PPCR » à la grille du NES et ne rattrapera pas la perte du pouvoir d’achat lié au gel du point d’indice pendant 6 ans.

Mise en Ligne