Fiche thématique J21 greffiers

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fiche thématique Justice 21e siècle :

Justice du 21ème siècle : quel avenir pour le greffier ?

La profession de greffier peut et doit évoluer. Mais pas à n’importe quel prix !

Les quatre rapports de la Garde des Sceaux

Quatre rapports ont été remis à la Garde des Sceaux à sa demande, et tous proposent de décharger le magistrat sur le greffier. Ces rapports expliquent que cette évolution est nécessaire car vont bientôt manquer 1400 magistrats (cf. Marshall p.31). Une question déjà, pour pallier le manque d’effectifs d’une profession, faut-il se décharger sur une autre ? Le point de départ de la réflexion semble donc déjà biaisé. Le deuxième argument utilisé est le fait que 80% des greffiers auraient bac+4 ou bac+5 et qu’ils sont compétents. Ce niveau de diplôme est une réalité pour ce qui concerne les recrutements récents (ce n’est pas la situation de l’ensemble du corps), mais bizarrement, sur le terrain, personne ne s’intéresse à la compétence des greffiers et ces derniers sont nombreux à signaler le manque de considération que l’on a pour eux. Certains magistrats veulent profiter de ce transfert pour leur donner les tâches qu’ils considèrent comme subalternes. De là à dire que l’argument du départ massif de magistrats à la retraite n’est utilisé que pour mieux faire passer la pilule, c’est un pas que nous n’oserons pas faire… Il est donc proposé de donner plus de travail aux greffiers alors que 2000 fonctionnaires vont partir à la retraite et qu’actuellement, seulement 1100 ont été recrutés. Et alors aussi que l’actuel statut des greffiers, notamment son article 2, permet déjà de confier un certain nombre de tâches aux greffiers, ainsi en matière de recherches juridiques, de rédaction… or cet article est méconnu de la plupart des magistrats, ceux-ci préférant bénéficier de l’aide d’un assistant de justice plutôt que d’un greffier !

Voyons ce que nous proposent les quatre rapports :

“le juge du 21ème siècle” (Delmas-Goyon) indique : “les fonctionnaires de justice […] sont prêts à compenser autant que possible la diminution du nombre de magistrats”, mais pour cela, il faut “que les corporatismes et les habitudes acquises cèdent le pas et que le cloisonnement et l’individualisme […] s’effacent au service de l’impérieuse nécessité de rechercher une meilleure efficacité collective.” (p. 31 et 32). Archaïques que nous sommes si nous ne voulons pas remplacer les magistrats ! Les propositions 45 à 55 du rapport visent à la création du “greffier juridictionnel (comme si le greffier actuel n’était pas déjà juridictionnel…) en lui transférant une partie des tâches des magistrats, tout en rejetant la scission du corps des greffiers en deux.

“les juridictions du 21ème siècle » (Marshall) : ce rapport propose également de renforcer la place du greffier en lui confiant notamment la mise en état. “Le greffier doit, plus largement qu’aujourd’hui, aider le juge en contribuant à la préparation et au suivi des décisions juridictionnelles”.

“la prudence et l’autorité, l’office du juge au 21ème siècle” (IHEJ) : ce rapport propose la création de la fonction de “maître de procédure” (sic !) qui serait “responsable de la procédure, c’est-à-dire chargé de piloter ces procédures, d’en administrer le flux, d’en vérifier la régularité et d’en référer au juge pour les cas posant difficulté”. Le rapport indique qu’il faut donner au greffier une responsabilité spécifique car le “déficit de reconnaissance vient de ce flou”. Or les greffiers ont déjà une responsabilité spécifique : ils sont garants de la procédure et authentifient les actes ! Pour être reconnus, les greffiers devraient donc accepter des tâches supplémentaires ?

“refonder le ministère public” (Nadal) : la proposition du rapport est de créer des “assistants du ministère public”, fonctions qui seraient confiées au greffier à qui doit être déléguée une partie des attributions des magistrats du parquet. Le rapport propose même de placer ces “assistants du ministère public” sous l’autorité fonctionnelle du procureur de la République !

Les propositions d’autres organisations syndicales du ministère de la Justice :

La remise de ces rapports a été l’occasion d’un bel exercice de démagogie pour certains. Ainsi, l’U.S.M. propose que les magistrats donnent leur avis sur l’affectation des greffiers (Delmas- Goyon p.114), nous aurions pu proposer l’inverse…

L’UNSA propose la division du corps des greffiers en deux corps (cf. rapport d’orientation du congrès de Limoges 2013), à savoir un greffier juridictionnel et un greffier assistant. Une question se fait déjà jour : si le greffier juridictionnel assiste le magistrat, si le greffier assistant assiste le greffier juridictionnel, mais qui assistera le greffier assistant ? La proposition de greffier juridictionnel est inspirée à l’UNSA par le “livre vert” de l’Union européenne des Rechtspfleger qui indique : “l’introduction du greffier européen doit servir à décharger les juges” (p. 3), sans commentaires…

A noter que l’UNSA propose que ce greffier juridictionnel devienne catégorie A (tout comme le SDGF/Force Ouvrière et la C.F.D.T.). Or on peut déjà indiquer que cela poserait des problèmes par rapport aux greffiers en chef, accroîtrait encore plus l’écart avec les catégories C qui souhaiteraient devenir greffiers et que les greffiers pourront dire adieu aux heures supplémentaires et bonjour aux journées (et nuits) à rallonge ! A noter que finalement l’UNSA a déclaré lors des débats des 10 et 11 janvier, que le passage en catégorie A “on s’en fiche !”, faudrait savoir…

Les constats et propositions de la C.G.T. :

La C.G.T. s’inquiète du postulat de départ de ce projet de réforme du corps des greffiers. Ce corps ne doit pas être modifié pour pallier le fait que le ministère est un mauvais prévisionniste en terme de GRH. C’est aux magistrats de dire le droit et de trancher les litiges ; les fonctionnaires sont et doivent rester les garants de la procédure et authentifier les actes. Le ministère doit donner les moyens humains et matériels pour assurer cette fonction qui fait la spécificité du corps des greffiers.

La C.G.T . n’est pas nécessairement opposée à des missions nouvelles pour les personnels des greffes, et ce n’est pas nouveau (confer rapport sur les métiers de greffe de 1998), puisqu’elle défend un vrai service public de la justice, gratuit et de proximité. La C.G.T. propose notamment pour les greffiers la création d’un service public de l’exécution des décisions judiciaires, étendu au domaine civil, afin d’assurer une exécution des décisions pour une justice réellement accessible.

La C.G.T. défend une revalorisation des grilles de tous les fonctionnaires, non assujettie à un transfert de compétences au greffier : il n’ y a pas besoin de récupérer n’importe quelles compétences pour obtenir une revalorisation statutaire !

Paris le 22 janvier 2014

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