« In-gestion » budgétaire des juridictions

Téléchargez notre contribution en PDF.

« In-gestion » budgétaire des juridictions

Dans le cadre de la mission commune de l’IGSJ et de l’IGF (dont le contenu de la lettre de mission est secrète…) sur sur le budget des juridictions, la CGT apporte sa contribution.

Nous rappelons tout d’abord qu’en matière budgétaire, comme dans d’autres matières de nature administrative, nous demandons pour les directeurs de greffe l’exercice de la plénitude de leurs fonctions : contrairement aux chefs de cour et aux chefs de juridictions, les DSGJ sont formés, et bien formés, en la matière, même si dès le début de la scolarité, le message est clair : on les forme à survivre aux restrictions budgétaires des juridictions…

Immobilier : une gestion à l’aveugle

En matière immobilière, nos juridictions subissent depuis trop long une absence de vision à long terme ou de réflexion en la matière puisque tout un chacun se veut expert, alors que là aussi les DSGJ doivent avoir toute leur place : à quoi sert un MDE alors que les RGPI se développent dans les SAR ? A cela se rajoutent les différents interlocuteurs qui peuvent exister : SAR, DI (Département Immobilier des PFI) voire l’APIJ (Agence Publique pour l’Immobilier de la Justice) et qui amènent à se demander si quelqu’un tient vraiment la barre.

Après avoir connu des longues périodes de vache maigre qu’ont payé certaines juridictions (dans le Val-de-Marne les exemples ne manquent pas : le TI de Sucy-en-Brie qui a finalement pu déménager en 2014 dans un bâtiment qui avait été acheté dans les années 90 ou le CPH de Villeneuve-St-Georges qui a occupé pendant 30 ans des locaux « provisoires » qui ont brûlé en 2012 et qui finalement occupe des nouveaux locaux « provisoires »…) voilà que l’argent coule désormais (parfois à flots) pour des opérations budgétaires qui étaient attendues depuis souvent longtemps via les crédits SAUJ ou PLAT…

L’absence de programmation des opérations immobilières entraîne bien trop souvent des successions de travaux qui visent à réparer l’existant, sans penser à mettre en oeuvre des opérations de maintenance préventive ou qui viennent sur superposer à des travaux effectués quelques mois auparavant mais qui ont été effectués dans l’urgence et donc sans vision d’ensemble.

De même, le manque de réflexion en matière de construction de nouveaux bâtiments laisse assez souvent dubitatif : trop souvent aucune réflexion en amont, et que dire des nombreux problèmes que connaissent les tous nouveaux palais de justice dès leur inauguration (ex : le nouveau palais de Justice de Béziers inauguré cet été et inondé en octobre…). A cela on peut ajouter le manque négociation de certains contrats dont le plus retentissant restera pour les dizaines d’années à venir le Futur Palais de Justice de Paris « négocié » à 2,7 milliards d’euros, mais chiffré à 3,2 milliards minimum et qui commence à accuser du retard.

Le piège de la LOLF

Le principe de l’annualité budgétaire, censé être un moyen de perfectionnement de la dépense est complètement perverti :

-les charges à payer de début d’année happent une partie de la dotation initiale ;

-la dotation initiale trop souvent insuffisante oblige à se serrer la ceinture dès le début d’année ;

-tandis qu’en toute fin d’année budgétaire des crédits complémentaires sont débloqués au tout dernier moment avec obligation de les dépenser dans un temps limité, conduisant à certaines dépenses non urgentes voire inutiles.

En terme de fonctionnement budgétaire réfléchi et perfectionné, il reste donc une marge de progression assez importante.

De même, du fait des difficultés budgétaires des juridictions, les crédits spécifiques alloués soit pour un procès exceptionnel ou pour une dépense spécifique sont souvent « détournés » pour des dépenses importantes qui n’avaient pu être être couvertes par la dotation initiale.

Les dotations complémentaires de fin d’année ne permettent pas une bonne administration des finances publiques puisque les règles de l’annualité budgétaire imposent que les crédits soient consommés avant la fin de l’année, ce qui empêche les travaux de grandes envergure nécessitant consultations publiques ou pour lesquels la durée d’exécution dépasserait la fin d’année sauf à déroger à la règle du SF.

La gabegie des marchés publics

Nous dénonçons le coût des marchés d’entretien servant à l’exécution des tâches qui étaient précédemment effectuées par des adjoints techniques, corps dont le nombre de postes vacants ne cesse d’augmenter. Ces tâches sont maintenant exécutés dans des délais trop longs et pour un coût trop important, confiées à une main d’œuvre exploitée par les sociétés attributaires de marchés publics qui sous-évaluent trop souvent les heures de travail nécessaires, sans qu’en tant que les juridictions puissent avoir un regard véritable sur les conditions de travail alors que les chefs de juridiction en sont responsables en tant que chef de service (au sens SST).

Nous rappelons que nous revendiquons toujours la création de plateformes techniques. L’administration avait envisagé en 2001-2002 la création de plateformes techniques rattachées aux cours d’appel regroupant toutes les spécialités techniques (imprimeur, électricien, maintenance, plombier, etc…) pouvant intervenir sur tous les établissements du ressort. Cette revendication est toujours d’actualité et permettrait de de voir aboutir notre vieille revendication de création d’un corps de B techniques (techniciens ou conducteurs de travaux) qui est largement justifiée, ce qui permettrait d’offrir des possibilités d’évolution aux C techniques. Ce projet serait moins cher que le recours à des entreprises privées dont la qualité des travaux n’est pas contrôlée.

S’agissant des marchés publics, nous en dénonçons l’absence de suivi tant au niveau de l’administration centrale que des SAR. Le recours systématique aux marchés publics entraîne trop souvent un sur-coût par rapport au prix du marché. En effet, aujourd’hui, seules les grandes entreprises ont les moyens juridiques de répondre aux appels d’offre au détriment des artisans ou d’entreprises locales. De ce fait, les juridictions subissent trop les prix prohibitifs pratiqués par les entreprises attributaires.

La non application des pénalités contribue également au contrôle du marché par les entreprises attributaires et entraîne parfois d’autres dépenses pour les juridictions.

Une perte d’autonomie des juridictions

En fonction des SAR, l’autonomie des juridictions en matière budgétaire est plus ou moins limitée. Certains SAR vont laisser une certaine autonomie en matière de fonctionnement courant aux juridictions, notamment en matière de fournitures, et vont procéder à des restitutions régulières pour informer les juridictions du suivi des factures, alors que d’autres SAR vont opérer une forme d’ingérence dans la gestion budgétaire et ne valideront les demandes d’achats que si elles répondent strictement à des règles budgétaires locales: commandes exclusivement de matériel Lyreco, etc…

Il est souvent question de dialogue de gestion. Le terme de « dialogue » ferait presque sourire suite aux derniers boycotts (CAP des attachés le 27 octobre et CTM le 2 novembre) car il n’existe pas à quelque niveau que ce soit : que ce soit au plan local dans les AG des juridictions ou au niveau national avec les organisations syndicales. En matière immobilière, notamment, les CHSCT ne sont quasiment jamais consulté en dépit du bon sens et de l’article 57 du décret 82-453 du 28 mai 1982.

Plusieurs sources d’économies sont possibles :

-trop souvent les juridictions doivent payer des frais de représentation pour des réunions organisées par les chefs de cour ou de juridictions alors que ces derniers bénéficient d’indemnités de représentation, si ce n’est la machine à expresso ou la dernier i-phone pour un chef de juridiction…

-des économies seraient possible en matière de frais d’affranchissement si les réformes tant attendues en matière de dématérialisation aboutissaient enfin: envoi de recommandés électronique, envoi de mail ou communication électronique.

-enfin, nous rappelons que les huissiers, les avocats et les tribunaux de commerce qui occupent des locaux de nos juridictions ne paient pas tous de loyers et que trop souvent les juridictions prennent à leur charge différents coûts (fluides, téléphonie, si ce n’est audiences de rentrée etc…).

Nous restons à disposition de notre chère administration pour discuter de ce sujet qui nous affecte tous en tant qu’agents du ministère de la Justice.

Paris le 8 novembre 2016

Mise en Ligne