Premier bilan CGT de la « réforme statutaire » d’octobre 2015

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Conséquences de la
« réforme statutaire » d’octobre 2015,

un premier bilan début 2017

POUR RAPPEL :

Le 11 juillet 2014, l’UNSA-SJ, SGDF-FO et C-Justice ont signé un «protocole d’accord sur les perspectives d’évolution statutaire des personnels des greffes» que la CGT a refusé de signer. Les nouveaux statuts, publiés par différents décrets du 13 octobre 2015, entrés en vigueur le 1er novembre 2015, et le 1er février 2016 pour les statuts d’emploi, n’ont fait que conforter nos précédentes analyses sur le protocole de juillet 2014.

La CGT a attaqué tous ces textes devant le Conseil d’Etat. Bien malheureusement la haute juridiction a rejeté tous nos recours considérant que « l’erreur manifeste d’appréciation » que nous dénoncions sur de nombreux aspects que nous détaillons ci-dessous, n’étaient pas établit !

* Pour les greffiers, une nouvelle grille indiciaire moins intéressante !

=> Si à court terme, les B1 en fin de carrière ont gagné 28 à 43 points, certains d’entre eux ont perdu la GIPA (garantie individuelle du pouvoir d’achat) du fait de la nouvelle grille indiciaire entraînant parfois des baisses de rémunération. Tous les autres sont perdants !

=> Un allongement de carrière très important :

 

Temps pour atteindre l’indice sommital de son grade

Avant la réforme

Après la réforme

B2/greffier

29 ans

31,5 ans

B1/principal

27,5 ans

31,5 ans

Statut d’emploi

 x

36 ans

=> Un déroulement de carrière moins favorable pour le grade de base : comme l’indiquait, avant signature, un des syndicats signataires : « on nous demande donc d’accepter une grille qui sera bénéfique à un greffier quand il aura 57 ans » ! Ainsi, pour un greffier, la nouvelle grille ne lui sera bénéfique qu’au bout de 37 ans et 3 mois d’ancienneté !

=> Un passage au grade supérieur bien moins intéressant : la possibilité de passer au grade principal est repoussée de 6 mois et, le plus grave, la nouvelle grille démarre plus bas que l’ancienne : à l’IM 380 contre l’IM 411 comme précédemment (soit 31 points d’indice en moins). Par exemple, un greffier du 6ème échelon reclassé dans le grade supérieur gagnait 36 points d’indice dans l’ancienne grille, avec la nouvelle il ne gagne plus que 5 points (dont 2 avec le reclassement, voir tableau comparatif en annexe). De plus, le greffier devenu principal gagnera bien moins dans la nouvelle grille que ce qu’il aurait pu gagner avec l’ancienne.

=> Des pertes à long terme pour certains collègues :

Comparatif d’évolution de carrière

(exemple d’un B2 au 2e échelon reclassé le 1er novembre 2015)

Reclassement

Au bout de 5 ans

Au bout de 10 ans

Au bout de 15 ans

Au bout de 20 ans

Ancienne grille

IM 323

IM 351

IM 394

IM 425

IM 460

Nouvelle grille

IM 332

IM 352

IM 360

IM 409

IM 445

 

LES REVENDICATIONS DE LA CGT :

Nous revendiquions l’alignement de la grille des greffiers sur celle des CPIP. Voici un tableau comparatif des deux grilles :

Grille des greffiers (en IM)

Grille des CPIP (en IM)

Grade de base

Grade supérieur

Grade de base

Grade supérieur

Échelon d’entrée

327

380

335

453

Échelon de sortie

515

573

550

608

Pour information, les CPIP (conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation) vont bientôt passer en catégorie A)

* Le piège des « emplois fonctionnels » (ou statuts d’emplois) !

Ce statut d’emploi, une première dans un corps de catégorie B de la taille de celui des greffiers (et pour cause!), ne constitue en aucun cas une avancée et ce pour bon nombre de raisons. « L’engouement » est tel pour la « réforme » que l’administration n’arrive pas à pourvoir certains postes (TI St-Omer, TI & TGI Boulogne/Mer, TGI Beauvais, TGI Dunkerque,…) tant en interne qu’après publication sur la BIEP et, dans le même temps, beaucoup de nos collègues, voyant la situation se détériorer, cherchent à partir vers d’autres horizons bien plus attractifs.

Quelques conséquences :

=> une économie pour l’administration : les greffiers sous statut d’emploi sont employés sur des postes précédemment occupés par des greffiers en chef du 2ème voire du 1er grade et donc payés jusqu’à 1 200€ en moins par mois pour assurer les même fonctions (ce qui permet à l’administration de faire de substantielles économies). Ceux qui disaient revendiquer la catégorie A pour les greffiers ont obtenu qu’un certain nombre d’entre eux fassent du boulot de A pour un salaire de greffier, alors que maintenant le Conseil Supérieur de la Fonction Publique examine des textes ouvrant la catégorie A pour le corps des CPIP…

=> des B fonctionnels formés au rabais : 4 semaines de formation « d’adaptation à l’emploi » (dont seulement une à l’ENG) au lieu de 18 mois pour les directeurs et ils ne sont pas ou peu accompagnés ;

=> des agents sur siège éjectable : les greffiers et directeurs fonctionnels sont en position de détachement et en subissent les conséquences. Ils sont éjectables à tout moment puisqu’ils « peuvent se voir retirer cet emploi dans l’intérêt du service » (article 5 du décret). De plus, il faut qu’ils aient une certaine mobilité géographique ne pouvant être nommés sur ces postes que 4 ans renouvelables une fois. De plus quelques collègues sont d’ailleurs déjà menacés voire en cours de dégagement. Comment envisager la question de la gouvernance dans ce cadre ?

=> perte de la spécificité des métiers : la création de postes fonctionnels a ouvert largement les corps de greffiers et de directeurs à l’ensemble des agents de grade équivalent issus d’autres directions ou d’autres ministères puisqu’ils sont publiés sur la BIEP (bourse interministérielle de l’emploi public), ce qui entraîne forcément une perte de la spécificité de nos métiers que la DSJ prétendait au contraire renforcer… Ainsi, des agents d’autres corps ont ainsi intégré plusieurs postes de statuts d’emploi. Si un greffier peut être amené à animer un service et encadrer une équipe, lui demander de diriger un greffe de 10 personnes et plus, c’est le détourner de ses fonctions de juriste et de garant de la procédure, c’est mettre en péril le fonctionnement démocratique de notre justice et mettre en danger les droits des justiciables.

=> des postes pourvus hors CAP, dans l’opacité. Les représentants syndicaux à la CAP ne peuvent plus intervenir, n’ont donc plus aucun rôle à ce niveau…

LES REVENDICATIONS DE LA CGT :

=> suppression des statuts d’emploi ou emplois fonctionnels

* Le corps des directeurs (ex. greffiers en chef) menacé !

=> Un rapprochement envisagé par la DSJ avec les attachés ? La CGT a dû se battre pour que les fonctions judiciaires des GEC restent dans le statut ! Cette suppression corrélée avec la grille des attachés (moins favorable que celle des directeurs) que l’administration avait osé proposer en mai 2014, aurait permis à l’administration de continuer le rapprochement avec le corps des attachés voulu par la DSJ. Dans l’attente de ce but inavoué, la création de postes d’attachés comme « chefs de cabinet » des chefs de juridiction et de cour (75 postes) est aussi un moyen de s’attaquer au corps des directeurs. Ainsi, face aux suppressions de postes, les collègues y voient une possibilité d’évolution ou de mobilité. Cela s’est ressenti lors de la dernière CAP des attachés. En 2016, ce sont 14 directeurs qui sont partis en détachement dans le corps des attachés, contre 5 entre 2013 et 2015 !

=> Vers la perte des spécificités des directeurs ? La loi J21 permet dorénavant, « à titre exceptionnel », aux greffiers chefs de greffe d’être compétents en matière de délivrance des certificats de nationalité française et de vérification des comptes de gestion de tutelles, compétences auparavant exclusives des greffiers en chef… La CGT s’inquiète très sérieusement de la qualité du service public de la justice de demain alors qu’il s’agit tout à la fois de questions légitimement très sensibles pour nos concitoyens, et d’une compétence particulièrement complexe au plan juridique. Cette réforme révéle que la DSJ ne raisonne qu’en termes purement comptables et se moque des qualités professionnelles de ses agents, à commencer par leur formation, dans un domaine pourtant aussi essentiel pour l’État.

=> Augmentation des suppressions de postes : Entre 2014 et 2016, ce sont 58 postes localisés qui ont disparu. Les suppressions de postes vont continuer en 2017 dans les petites et moyennes juridictions. Si la DSJ avait clamé face aux collègues qu’il n’y aurait pas de suppressions de postes de greffiers en chef, lors d’une réunion à Paris, il a été lâché qu’il y aurait au final 500 postes supprimés…

=> Perte du bénéfice de l’examen professionnel pour les anciens « grade provisoire »

=> Diminution des possibilités d’évolution de carrière pour les B et C : La réduction du corps des directeurs, à laquelle il faut ajouter la création d’un 3ème concours d’accès au corps des directeurs, va aussi avoir pour conséquence de réduire les possibilités d’évolution de carrière des collègues de catégories C et B.

=> Les directeurs, dernier rempart contre le TPI/JUPI ? La suppression des postes de directeurs dans les CPH et les TI et leur concentration dans les TGI, sera un des moyens qui permettra à la DSJ d’aboutir à la création de juridictions départementales telle qu’envisagées lors des débats de J21, juridictions départementales auxquelles s’étaient opposées la totalité des organisations syndicales et la grande majorité des agents en AG !

LES REVENDICATIONS DE LA CGT :

=> pouvoir exclusif pour les directeurs de leurs responsabilités et attributions les magistrats devant être recentrés sur leurs missions le dire le droit, trancher les litiges ;
=> une revalorisation indiciaire conséquent ;
=> passage hors échelle B pour l’ancienne 1ère catégorie et hors échelle A pour l’ancienne 2ème catégorie

* Des pertes indiciaires lors de leur reclassement pour les adjoints administratifs qui passeront greffiers !

Les agents de catégorie C qui obtiennent le concours interne ou l’examen professionnel de greffier subissent les conséquences du NES (nouvel espace statutaire), mêmes conséquences qui avaient valu le rejet du NES en 2011 : ils ont en moyenne un manque à gagner d’environ 150 euros par mois par rapport à l’ancien reclassement !

Sous l’ancien statut, pour les collègues de catégorie C situés à l’échelle 6, lors du reclassement, leur gain pouvait être entre 30 à 60 points d’indice majoré, avec le nouveau statut il n’est plus qu’entre 5 à 14 points d’indice : une sacrée différence ! (cf. tableau comparatif en annexe)

Par exemple, sous l’ancien statut, un adjoint administratif au 6ème échelon de l’échelle 6 (IM 400) était reclassé au 11e échelon de greffier (IM 460), mais avec le nouveau statut il va être reclassé au 8ème échelon (IM 409), soit 51 points d’indice majoré en moins par rapport à l’ancienne grille !

Et au vu du grand nombre de recrutements de C en B qu’est en train d’effectuer l’administration que ce soit par l’examen professionnel (200 collègues recrutés en 2016) ou par la voie du concours interne (115 collègues recrutés en 2016), on imagine bien les substantielles économies réalisées chaque mois par l’administration, ainsi que les dommages cumulés sur leur carrière pour l’ensemble des collègues concernés…

LES REVENDICATIONS DE LA CGT :

=> revalorisation générale des salaires, en partant des grilles des catégories C pour tirer l’ensemble des grilles vers le haut ;
=> pas de profilage de postes en CAP.

* Toujours aucune augmentation programmée du nombre de secrétaires administratifs !

Le protocole d’accord de juillet 2014 prévoyait d’augmenter (enfin !) le recrutement de SA par la voie de la promotion interne, l’administration s’étant aperçue qu’OutilGref indiquait qu’il faudrait 2 170 SA contre les 576 actuels. Mais depuis, rien n’a évolué ! Le recrutement ne semble donc plus être à l’ordre du jour. De plus, il faut rappeler que les SA font partie des corps communs, et que ce sont l’ensemble des collègues du ministère de la Justice qui peuvent obtenir leur promotion. Or, si l’on regarde les dernières promotions, on constate que la majorité des collègues promus étaient de la pénitentiaire et de la PJJ, les services judiciaires ayant obtenu un minimum de postes (dont un cependant pour la promotion au choix du secrétaire général de l’UNSA-SJ !).

LES REVENDICATIONS DE LA CGT :

=> augmentation du nombre de SA pour la promotion des adjoints administratifs, pour l’augmentation des promotions au sein du corps des SA et pour décharger les greffiers des tâches administratives ;

=> refonte complète de la grille indiciaire des SA.

* Toujours rien pour les adjoints techniques !

Dans le document diffusé par la DSJ lors de son tour de France des cours d’appels entre 2014 et 2015, la DSJ admettait la nécessité d’une réflexion sur l’avenir de ce corps. Le rapport Delmas-Goyon de 2013 mentionnait que la DSJ était favorable à la création d’un corps de B techniques et qu’une enquête était menée en ce sens. Mais depuis, c’est le silence radio !

Ajoutons que le ministère a enfin réalisé que cela faisait plus de 10 ans qu’elle n’avait plus recruté d’adjoints techniques. Ainsi, ce sont 132 collègues qui ont été (enfin !) recrutés en 2016.

LES REVENDICATIONS DE LA CGT :

=> la création de corps de B et A techniques
=> la création de plateformes techniques.
Nous avons de nouveau porté ces revendications devant l’inspection commune IGSJ/IGF (Inspection Générale des Services Judiciaires/Inspection Générale des Finances) en novembre 2016 arguant de l’intérêt qu’y trouveraient les adjoints techniques en terme d’évolution de carrière ainsi que l’administration en terme d’entretien des bâtiments.

 

CONCLUSION :

Les organisations syndicales ou catégorielles signataires ont signé ce protocole en n’ayant qu’une vision à court terme portant sur le reclassement indiciaire immédiat de certains greffiers et les élections professionnelles de décembre 2014 qui se profilaient derrière, mettant gravement en péril l’avenir de nos statuts particuliers et niant notre spécificité.

Depuis, il est apparu publiquement que certain(e)s des secrétaires généraux de ces organisations ne faisaient pas la différence entre indices brut et indices majorés (!), ne comprenaient pas à quoi correspondaient ces indices. En difficulté pour défendre cette « réforme », leur défense peut se résumer à la phrase d’une de leurs représentantes devant une promotion à l’ENG : « on a cru bien faire ! ».

A Paris le 8 mars 2017

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