Lettre ouverte à la garde des sceaux concernant la fermeture du TI des Andelys

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Paris, le 19 décembre 2019

Madame la garde des Sceaux,

La confrontation de vos paroles à vos actes nous conduit à constater que votre parole n’est absolument pas fiable.

Il semble que la République connaisse elle aussi des déserts si l’on se tient à ce que vous déclariez le 11 janvier 2019 à Nevers : « La justice est un élément essentiel pour la vie de la République. Et donc jamais nous n’avons imaginé fermer des tribunaux, jamais. »

Ou bien cette parole n’aurait été valable que là où vous vous êtes déplacée ? Que cette parole n’est pas valable non plus devant les représentants du peuple (« Dès l’ouverture des chantiers de la justice, j’ai affirmé qu’il n’y aurait aucune fermeture de lieu de justice. Je tiens parole. », Assemblée nationale, 19 novembre 2018) ?

C’est ce que nous pouvons légitimement nous demander, avec les fonctionnaires et magistrats du tribunal d’instance (TI) des Andelys, qui ont appris le 5 décembre que vous validiez la fermeture de la juridiction dans laquelle ils travaillent, transférée au conseil de prud’hommes (CPH) de Louviers !

Bien évidemment, cette décision a été prise comme de coutume depuis votre prise de fonctions : sans aucune concertation non seulement des organisations syndicales mais également des fonctionnaires du TI des Andelys, qui n’étaient résolument pas demandeurs d’une telle fermeture.

Le mensonge est inhérent chez vous mais également chez le président de la République : le dossier de presse daté de décembre 2019 affirme ainsi, en page 2, que « Cette nouvelle organisation garantit ainsi un maintien de la justice de proximité, puisqu’aucun site judiciaire ne sera supprimé, conformément aux engagements du président de la République. »

Ne parlons pas de votre directeur des services judiciaires qui n’a eu de cesse, avec sa morgue habituelle, lors du DSJ tour aussi bien qu’en comité technique des services judiciaires, de répéter qu’aucun site ne fermerait. Les procès-verbaux des réunions de cette instance dite de « dialogue social » des 29 mars, 4 avril ou encore 17 mai 2018, entre autres, en attestent largement !

Si nous nous attendions à des fermetures de sites, qui découleront inévitablement de la réorganisation et du transfert de compétences vers le tribunal judiciaire (c’était déjà un premier mensonge puisque vous aviez, lors des débats parlementaires, osé affirmer : « Je le dis et le redis à nouveau, il n’y aura aucune fermeture de juridiction, aucune dévitalisation des juridictions existantes, aucune coquille vide, aucun désert judiciaire »), nous ne nous attendions pas à ce qu’elles interviennent avant même l’entrée en vigueur de cette fusion, fixée au 1er janvier 2020.

Nous pensions naïvement que la parole publique avait encore un minimum de sens pour ce gouvernement… en tout cas qu’il restait, chez ses membres, un peu de décence et d’estime d’eux-mêmes… surtout quand ils et elles invoquent la République !

Mais la manœuvre est encore plus grossière : après l’amendement scélérat de fusion des greffes des conseils de prud’hommes, il reste encore 13 CPH autonomes, c’est-à-dire qui sont encore des juridictions à part entière, qui ne seront pas de simples services du futur tribunal judiciaire (TJ). A ce titre, ces CPH autonomes pourront continuer à organiser leurs fonctionnaires en fonction de leurs besoins propres et les chefs de juridiction des TJ ne pourront pas piller les effectifs des CPH, comme ils ont commencé à le décider dans de trop nombreux endroits…

Manifestement, c’est encore trop pour vous !

C’est pourquoi, en transférant le TI des Andelys au CPH de Louviers, celui-ci va pouvoir devenir une chambre de proximité du TJ d’Évreux, qui pourra faire main basse sur les effectifs du CPH, et réduire à 12 le nombre de CPH autonomes.

Sachant qu’au moins un autre CPH autonome est dans le collimateur de vos services, les contours de votre projet, s’il ne nous surprennent pas, se dessinent de plus en plus clairement : réduire encore l’activité de ces juridictions que votre majorité et le patronat honnissent, après le désastreux barème Macron et la loi du même nom du 10 juillet 2015, pour en finir le plus rapidement possible.

En conséquence de tous ces éléments, nous exigeons le retrait immédiat de votre décision de suppression du tribunal d’instance des Andelys.

Le secrétaire général

Cyril Papon

PJ : le tract de notre section régionale



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