Protocole d’accord : la honte ou travailler plus pour gagner moins !

Téléchargez le document en PDF.

Protocole du 11 juillet :
la honte ou travailler plus pour gagner moins !

Le 11 juillet, trois des cinq organisations syndicales représentatives au sein des services judiciaires ont signé un « protocole d’accord sur les perspectives d’évolution statutaire des personnels des greffes ». Seules la C.G.T. et la CFDT ne l’ont pas signé. Des explications sur ce protocole s’imposent au vu des désinformations qui circulent.

*Le protocole fait suite à des négociations : VRAI et FAUX :

VRAI : le 21 mai, les cinq organisations syndicales ont signé un cadre de négociation délimitant les sujets de discussions et ouvrant la voie de « négociations ».

FAUX : L’administration a mené les « négociations » comme elle l’entendait, ne fournissant pas tous les documents nécessaires ou n’évoquant pas certains sujets figurant pourtant dans le cadre de négociation, poussant la C.G.T. à quitter la table le 19 juin 2014. Les « négociations » n’ont repris que le mercredi 9 juillet, suite à la communication par la DSJ le vendredi 4 juillet et sur pression des syndicats (et plus tôt que prévu sur pression de la CGT), des projets de grilles indiciaires pour les greffiers et les GEC. Lors de cette dernière réunion, la DSJ a proposé/imposé un protocole d’accord qui devait être signé le vendredi 11 juillet… Au vu du déroulement de ces « négociations », on comprend bien que la DSJ comptait forcer la main aux syndicats, certains arguant (et reprenant là les arguments de l’administration) que nous serions le seul corps de la fonction publique à « bénéficier » d’une modification statutaire (faux!) d’ici la fin du quinquennat et que si l’on ne signait pas, tout serait perdu !

*La nouvelle grille indiciaire des greffiers est moins intéressante que la grille indiciaire actuelle : VRAI et FAUX !

FAUX : La nouvelle grille indiciaire est intéressante surtout pour les collègues qui sont en fin de grille. Concernant les actuels B1, cela sera intéressant pour les 2.000 collègues actuellement aux 6è et 7è échelons, et ça le restera, dans une moindre mesure, pour les actuels B1 des 5 premiers échelons…

VRAI : pour tous les autres collègues et pour les futurs greffiers. Ainsi « on nous demande donc d’accepter une grille qui sera bénéfique à un greffier quand il aura 57 ans » comme l’a justement fait remarquer un syndicat qui a malgré tout signé le protocole (cherchez l’erreur!) et qui a écrit que la précédente grille proposée (NES + 5 points) était moins intéressante que la nouvelle grille (NES) ce qui est bien évidemment faux. La nouvelle grille indiciaire des greffiers crée un allongement de carrière très important : ainsi, il n’est possible d’atteindre l’indice sommital du B2 qu’au bout de plus de 31,5 ans de carrière (contre 29 ans actuellement), l’indice sommital du B1 également au bout de 31,5 ans de carrière (contre 27,5 ans actuellement) et l’indice sommital du statut d’emploi au bout de 36 ans de carrière ! Quel est l’intérêt d’avoir une grille revalorisée s’il est quasi impossible d’atteindre les échelons sommitaux ?

Les actuels B2 auront donc globalement un déroulement de carrière moins favorable qu’actuellement, sauf au bout de quelques dizaines d’années… Un greffier B2 a qui on appliquerait la nouvelle grille ne sera bénéficiaire qu’au bout de 37 ans et 3 mois d’ancienneté ! Si ce même greffier passe le B1 (avec 6 mois de plus qu’actuellement), au bout de 28,5 ans de carrière, il aura des pertes de salaires conséquentes par rapport à l’ancienne grille… Pourquoi ces pertes avec le passage au B1 ? Tout simplement parce que la nouvelle grille du B1 est inférieure à la grille actuelle. En effet la nouvelle grille va démarrer à l’IM 380, au lieu de l’IM 411 comme actuellement, soit 31 points de moins ! Ce qui n’a pas empêché les organisations syndicales signataires de parler de gain !

S’agissant des reclassements, certains ont écrit qu’il n’y aurait aucune perte. Mais c’est FAUX ! Certains échelons, notamment les premiers échelons du B2 auront soit des pertes, soit des « gains » de 1 point d’indice. Ainsi, par exemple, un greffier B2 au 2e échelon (IM 323) sera reclassé au même échelon (IM 332), au bout de 5 ans il sera à l’IM 352 (au lieu de 351), au bout de 10 ans il sera à l’IM 360 (au lieu de 394), au bout de 15 ans à l’IM 409 (au lieu de 425) et au bout de 20 ans à l’IM 445 (au lieu de 460). Les pertes sont ainsi très nettes.

*Les greffiers vont récupérer de nouvelles missions dont des tâches de magistrats : VRAI !

VRAI : les organisations syndicales signataires ont volontairement « oublié » d’évoquer le transfert de tâches qui va s’opérer des magistrats vers les greffiers qui se verront désormais confier (en plus de leurs tâches actuelles) : « des missions ayant trait notamment au traitement du courrier pénal, à l’assistance au traitement en temps réel de la délinquance, à l’assistance du procureur de la République dans ses missions de représentation et de participation à l’élaboration des politiques publiques, à la préparation des audiences et à la rédaction de projets de jugements civils et pénaux notamment dans les contentieux dits de masse ». Ces missions reprennent une partie de celles proposées pour le « greffier juridictionnel » lors des débats sur la Justice du 21ème siècle, ce que les AG des juridictions avaient majoritairement rejeté ! Tout fonctionnaire comprendra, que contrairement à ce qu’a dit la DSJ, il ne s’agit pas de « travailler différemment » mais bien d’un transfert de compétence des magistrats vers les greffiers ! De plus, il faut signaler que ce transfert de compétence ne figurait absolument pas dans le cadre de négociation signé par tous les syndicats et que la Chancellerie avait indiqué que ces négociations étaient indépendantes du débat sur la Justice du XXIème siècle, d’autant que la ministre doit faire des annonces sur ce point en septembre!

*Les greffiers vont récupérer des fonctions de greffiers en chef : VRAI !

VRAI : d’après le protocole, les GEC verraient disparaître de leur statut leurs fonctions judiciaires, ce qui veut dire qu’elles pourraient être confiées aux greffiers… D’autre part, le protocole prévoit de confier également aux greffiers des « fonctions managériales » jusque ici dévolues aux GEC notamment à la tête des juridictions à « faibles effectifs » (soit plus de 400 postes) ou de certains services dans des grandes juridictions. En plus de nouvelles compétences, les greffiers auront des « missions d’accueil transversales permettant d’améliorer l’accueil des usagers », notion qui reste très floue… Ces dernières missions sont une façon sournoise d’évoluer vers le TPI/JUPI, notion très majoritairement rejetée par les AG des juridictions !

Pour « compenser » ce transfert de tâches, le protocole crée un statut d’emploi qui permettra de payer les greffiers faisant fonction de greffiers en chef moins chers qu’un greffier en chef (il n’y a pas de petites économies…). Ce statut d’emploi (qui va être une première dans un corps de catégorie B de notre taille) sera réservé aux agents qui « accèdent à des postes à responsabilité » et concernera 10% du corps de greffiers. Pour accéder au 1er groupe du statut d’emploi, il faudra être B1 avec au moins 18 ans de carrière derrière soi. Ces postes à responsabilité, sur lesquels il ne sera possible de rester que quatre ans renouvelables une fois, seront notamment des postes « d’encadrement intermédiaire », comme chef de greffe de juridictions de « faibles effectifs ». C’est bien entendu l’administration qui choisira qui elle voudra sur ces postes et sans garantie de « consultation » de la CAP. Il faudra donc être un bon petit soldat si l’on veut mériter la grille indiciaire du statut d’emploi… Il faut également indiquer que le nombre d’emplois étant contingentés, le greffier éligible à ces postes devra faire preuve de mobilité géographique pour au moins huit années : y aura-t’il vraiment des candidats dans de telles conditions ? Encore un argument pour l’administration pour démontrer que ces juridictions ne fonctionneront pas et revendre le TPI/JUPI. Un greffier avec statut d’emploi coûtera donc moins cher qu’un GEC à l’administration et sera encore plus malléable car soumis au bon vouloir de l’administration !

Au final, la DSJ prévoit de continuer d’augmenter le nombre des greffiers, prévoyant de passer de plus de 9.000 greffiers à 10 ou 12.000. Cette augmentation risque de se faire aux dépens du corps des GEC et de celui des adjoints administratifs, car les postes de ceux qui passeront l’examen professionnel ne seront évidemment pas remplacés.

*Les greffiers en chef vont perdre leur spécificité contrairement à ce qui figure dans le cadre de négociations : VRAI et FAUX !

VRAI et FAUX : l’administration parlait de maintenir la spécificité des greffiers en chef (pardon, ce seront désormais les « directeurs de greffe »). Cependant, si le protocole d’accord maintient leurs fonctions judiciaires qui faisaient, justement, leur particularité, à la demande de la C.G.T., cela disparaît de la rédaction de l’article 2 du statut particulier, à la demande de l’UNSA- SJ… Bien sûr, nous nous battrons pour réintroduire ce dispositif statutaire lors du passage des textes en comité technique. Le fait de supprimer cette particularité permet de continuer le rapprochement de ce corps avec celui des attachés voulu par la SDRHg.

Concernant la grille indiciaire des GEC, il faut tout d’abord rappeler que la grille proposée en mai était celle des attachés, grille beaucoup moins favorable que celle des GEC. La DSJ est revenue à de meilleures intentions en proposant/imposant la grille actuelle avec quelques ajustements à la clé. C’est l’opposition résolue de la C.G.T. à ces grilles revues à la baisse (et pourtant acceptées alors par certaines organisations syndicales !) qui a permis, à tout le moins, de garder nos actuelles grilles.

Le fait de supprimer une partie des postes d’encadrement de GEC (pour les confier aux greffiers) et de les « déshabiller » de leurs fonctions judiciaires tend vers l’idée d’une suppression des postes de GEC (500 avait dit la SDRHG lors d’une réunion), auxquels il faut ajouter les nombreux postes de GEC laissés volontairement vacants par la SDRHG. Cette réduction possible du corps des GEC (même si la DSJ nous a assuré du contraire) et la création d’un 3ème concours d’accès au corps des GEC vont réduire les possibilités d’évolution de carrière des collègues de catégorie C et B.

Par ailleurs, s’il n’y a plus de baisse programmée pour les nouveaux collègues GEC, comme cela va être le cas pour les greffiers, nous sommes loin de la réforme attendue… depuis le printemps 2001 ! En effet, nous revendiquions déjà le HEB pour les 1ère catégorie et le HEA pour les 2è catégorie, l’UNSA réclamant déjà des postes en HEC… Aujourd’hui, nous sommes très loin du compte ! Alors qu’il y a actuellement 70 postes de GEC A1 de 1ère catégorie, la DSJ nous a annoncé seulement 12 (!) postes HEB et HEB Bis ! De même, tous les postes actuellement en 2è catégorie ne passeraient pas dans le HEA du statut d’emploi… Ce qui n’empêche pas la garde des sceaux de signer une 25è lettre annonçant que les directeurs de greffe « termineront tous hors échelle A »…

*Pour les adjoints administratifs faisant fonction de greffier, un examen professionnel de passage de C en B va être ouvert : VRAI et FAUX !

VRAI : L’examen professionnel de passage de C en greffier est maintenu, mais des examens professionnels spéciaux seront ouverts pendant cinq ans : « aux adjoints administratifs relevant du ministère de la justice qui justifient, au 1er janvier de l’année d’ouverture de cet examen, d’au moins neuf ans de service publics, dont trois ans dans les services judiciaires. »

FAUX : les seules conditions demandées sont des conditions d’ancienneté dans les services publics et dans les services judiciaires, aucune condition ne concerne les tâches exercées. En effet l’accord a été signé par les OS sans que la DSJ ne définisse concrétement quelles seront les missions retenues commes « des missions de faisant fonction » : elle est donc maintenant libre de fixer ses propres critères ! Donc cet examen ne devrait pas être réservé uniquement aux faisant fonction de greffier.

*Les greffiers recrutés par cet examen seront affectés « dans une juridiction située sur un secteur géographique de proximité » : FAUX !

FAUX : si effectivement le protocole prévoit que ces greffiers « soient affectés dans une juridiction située sur un secteur géographique de proximité », il faut savoir que cet engagement est purement fallacieux. En effet, le choix des postes s’effectue selon le rang de classement et non pas selon l’origine géographique. Ainsi, si lors du choix des postes un greffier choisi Marseille au lieu de Bobigny, sa juridiction d’affectation, personne ne pourra s’y opposer !

*Le nombre de secrétaires administratifs va être augmenté : VRAI et FAUX !

VRAI : L’administration prévoit (enfin!) d’augmenter le nombre des secrétaires administratifs car ils se sont aperçus que de nombreux greffiers occupaient des postes administratifs, mais surtout qu’Outilgref indiquait qu’il faudrait 2.170 SA alors qu’ils ne sont actuellement que 576 ! Cette estimation du nombre de SA nécessaires, cela fait depuis 1995 que la C.G.T. la porte et nous l’avions encore souligné récemment, il serait temps que la DSJ s’en aperçoive ! Le protocole prévoit de continuer à recruter des SA par la voie de la promotion interne, mais rien n’est fixé sur les modalités ni sur le nombre de postes qui seront offerts.

FAUX : Malheureusement il va y avoir un problème important pour la mise en place de ces recrutements qui seraient réservés aux collègues des services judiciaires. En effet, nous sommes en corps communs depuis janvier 2009 et se sont l’ensemble des collègues du ministère de la Justice qui peuvent obtenir leur promotion. Or, si on regarde les dernières promotions, on constate que la majorité des collègues promus étaient de la pénitentiaire et de la PJJ, les services judiciaires ayant obtenu un minimum de poste.

De plus l’administration veut redéfinir les conditions d’accès à ce corps. Là encore c’est impossible puisque ces conditions sont fixées par le statut discuté uniquement à la Fonction Publique (puisqu’il s’appliquerait à toute la Fonction Publique). Donc, quand on sait que la Fonction Publique a refusé des avancées significatives pour les greffiers et greffiers en chef qui représentent 10.000 personnes, comment peut on espérer que la Fonction Publique change les conditions d’accès pour 1.000 promotions ?

*Le ministère ne prévoit rien pour les adjoints techniques : VRAI et FAUX.

VRAI : Le protocole d’accord ne prévoit absolument rien en terme d’évolution statutaire pour les adjoints techniques.

FAUX : Cependant, il faut indiquer que dans le document diffusé par la DSJ lors de son tour de France des cours d’appels, la DSJ admettait la nécessité d’une réflexion sur l’avenir de ce corps, ce qui tombe bien car C.G.T. a de fortes revendications pour ce corps, notamment la création de B et A techniques et de plateformes techniques comme nous l’avions encore écrit récemment

*Les fonctionnaires des services judiciaires vont avoir de nouvelles primes. VRAI et FAUX.

VRAI : Le protocole indique que pour les corps communs « l’administration s’engage à garantir l’harmonisation des régimes indemnitaires » pour atteindre un niveau indemnitaire comparable aux autres directions. Du fait des nouveaux statuts, les greffiers et greffiers en chef seront revalorisés indemnitairement, mais bien évidemment rien n’est précisé… Cependant, cet engagement est très éloigné de nos revendications soutenues par les collègues puisque nous revendiquons que la prime des fonctionnaires soit calquée sur celle des magistrats, soit 37% de part indemnitaire, et non 22 à 24% comme actuellement. De plus, des primes exceptionnelles seront versées sur la paie de fin octobre (juste avant les élections) : 140€ pour les corps communs et 100€ pour les greffiers.

FAUX : La prime de 140 € accordée aux adjoints administratifs et techniques n’est pas un acquis de la négociation mais tout simplement une décision de la Garde des Sceaux lors de sa rencontre avec les représentants du personnel lors de laquelle elle nous présentait le cadre de négociation, donc bien avant notre journée nationale de grève du 29 avril 2014…

La mise en place de la nouvelle version de la PFR (Prime en Fonction des Résultats, désormais dénommée IFSE, pour « indemnité de fonctions, de sujétions et d’expertise ») au 01 janvier 2015, va de facto entraîner une harmonisation des régimes indemnitaires des corps communs, Le Secrétariat Général (responsable de la gestion des corps communs) a indiqué mercredi 09 juillet que les premières discussions auraient lieu en septembre avec l’ensemble des directions. L’harmonisation était donc de toute façon obligatoire avant toute mise en place de cette nouvelle PFR…

Au final, force est de constater que le ministère avait une feuille de route toute tracée et qu’il a juste concédé quelques modifications à la marge pour s’assurer de la signature d’organisations déjà prêtes à signer avant même que les négociations soient lancées. Si la C.G.T., non signataire, ne participera pas au comité de suivi, en revanche elle saura peser de tout son poids et de ses arguments au Comité Technique Ministériel et au Comité technique des Services Judiciaires quand les textes seront présentés.

A Paris le 16 juillet 2014

Pour rappel :
Nos revendications pour chaque corps figurent dans nos fiches thématiques « justice du 21e siècle » qui sont disponibles sur notre site dédié : http://cgt-justice.org/?-Justice-du-XXIeme-Siecle-

(edit : désormais, sur https://cgt-justice.fr/category/cassestatuts/)

Mise en Ligne