Carte Judiciaire : Communiqué sur la réunion du 27/06/2007 – 14 H 30

Préalablement à tout commentaire, vous trouverez en ligne sur notre site le discours lu par la ministre à l’occasion de la réunion du Comité Consultatif de la carte judiciaire.

Ce discours peut également être retrouvé sur le site spécialement dédié à cette réforme :

www.carte-judiciaire.justice.gouv.fr Ce site sera régulièrement alimenté par toutes les interventions et propositions qui pourront être faites par les uns et les autres.

A l’issue de son discours, la ministre a quitté la réunion et a laissé le soin à son directeur de Cabinet, Michel DOBKINE, le Secrétaire Général, Marc MOINARD, et le Conseiller Technique en charge de la réforme de la carte judiciaire, Stéphane NOEL, d’animer le débat qui a suivi.

Premiers commentaires sur une réunion de non-annonce !

Inutile de dire que cette réunion était très attendue par les fonctionnaires des greffes et les différents acteurs du monde judiciaire pour enfin avoir des annonces claires devant mettre fin aux plus folles spéculations.

La ministre a affiché à la fois une volonté ferme d’engager la réforme, de rapidité pour la mettre en oeuvre tout en insistant sur sa détermination à vouloir procéder aux plus larges consultations, n’ayant pas de position dogmatique sur la question.

Sur le fond, nos attentes sont aujourd’hui largement déçues puisque les informations qui nous ont été communiquées sont à tout le moins extrêmement vagues et que nous sommes toujours dans la même incertitude. Il nous a été indiqué que ne pas faire de propositions claires relève d’une volonté affirmée de la ministre afin d’assurer la plus large concertation. Elle attend de ses différents interlocuteurs des propositions de redéploiements, suppressions,… à partir des orientations qu’elle a données dans son discours.

Nous avons eu droit à un discours dans la plus pure tradition de la langue de bois où rien n’est arrêté (permettant donc toutes les interprétations…), la ministre voulant manifestement instrumentaliser ses interlocuteurs et les amener vers une logique de cogestion,
insistant bien sur le fait qu’il fallait l’aider à expliquer et à accompagner cette réforme attendue par tous !

La C.G.T. n’a jamais pratiqué et ne pratiquera jamais la co-gestion. En outre, nous estimons qu’il ne nous appartient pas de faire des propositions de modifications ciblées.

La ministre a introduit la première partie de son propos en partant des enseignements à tirer de l’affaire Outreau. L’idée aurait pu avoir un intérêt si la réflexion avait été menée à son terme en reprenant les constats de la commission parlementaire sur le manque de moyens en personnel dans les greffes… Or de cela il n’est nullement question !

Se contenter d’affirmer aujourd’hui qu’un T.G.I. de taille suffisante (sans autre précision pour définir ce qu’est une taille suffisante) pour s’assurer une collégialité retrouvée, avoir de jeunes magistrats encadrés, des équipes renforcées et permettre d’affecter les magistrats en fonction de leurs compétences, est à tout le moins bien léger.

Nous avons donc posé clairement la question de la définition de la taille d’une juridiction en deçà de laquelle la ministre envisageait des restructurations, axe essentiel de la discussion selon nous puisqu’un dossier avec des statistiques sur l’activité des juridictions nous a été remis, il nous a été répondu qu’en l’état il n’y avait pas d’idée pré-définie de la ministre, la question est dans le débat !

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N.B. : une petite remarque en passant sur le seul exemple concret donné par la ministre :

“Outreau, c’est un juge confronté à une affaire difficile qui ne trouve pas un soutien suffisant dans une juridiction de taille insuffisante…â€? (extrait du discours de la ministre)…

Insuffisante, la taille du TGI de Boulogne/Mer ? Ce TGI se situe pourtant dans les 50 premiers TGI/TPI (sur 186) par le nombre de magistrats du siège…
– 24 TGI départementaux ont un nombre de magistrats plus faible… sans parler des 5 TPI…
– 12 départements où il y a 2 TGI ont au total un nombre de magistrats plus faible…
Ceci démontre que la proposition du TGI départemental n’est en aucun cas “laâ€? solution, tout juste un slogan dans un programme électoral, et que s’il fallait limiter l’affaire d’Outreau à la taille de la juridiction, des dizaines et des dizaines de nouveaux Outreau sont en cours ou à venir… à moins de faire un tribunal de première instance au plan régional et une seule cour d’appel à Paris ?

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Or, il est régulièrement constaté que les juridictions importantes fonctionnent nettement moins bien que celles de taille moyenne, les délais de procédures étant nettement plus longs en raison d’un cloisonnement plus important des fonctions et des circuits de fait plus complexes.

De même, on ne peut afficher une exigence de proximité et refuser dans le même temps le maintien des juridictions à faible activité (sans autre définition là encore de la faible activité).

Il est illusoire d’imaginer que le recours aux nouvelles technologies permettra de faire face à cette exigence de proximité tout en maintenant un niveau de qualité et d’efficacité satisfaisant ! Tous les usagers du service public de la justice n’auront pas la possibilité matérielle (équipement nécessaire) pour effectuer leurs démarches de façon dématérialisée, en outre, la complexité des procédures nécessite bien souvent des explications que seul un fonctionnaire formé est à même de donner.

D’autres propositions ont vaguement un air de déjà vu, notamment la mise en place des tribunaux de première instance (Rapport Carrez de 1994).

La question des moyens financiers mis en oeuvre au titre de la réforme a été abordée, là encore nous avons eu droit à une réponse à tout le moins laconique : cette question a été vue avec Bercy, nous avons une ligne budgétaire provisionnelle… Nous n’avons pu savoir de combien était cette ligne !

* Sur le calendrier :

Le 25 juin dernier, la ministre a reçu les chefs de cour et les a missionnés pour procéder aux plus larges consultations/concertations au plan local : représentants des personnels (fonctionnaires/magistrats), représentants des auxiliaires de justice, des tribunaux de commerce… les éléments recueillis devant être transmis pour le 30 septembre au cabinet, le comité consultatif devant ensuite se réunir le 30 octobre prochain pour une mise en oeuvre des premières mesures de la réforme dès le 1er janvier 2008 (notamment l’équipement des T.G.I. et C.A. en scanners et serveurs performants pour numériser les dossiers et faciliter ainsi les échanges avec les auxiliaires de justice).

Les représentants des personnels (fonctionnaires et magistrats) sont également conviés à déposer leurs propositions pour le 30 septembre.

Il va de soi que ce calendrier extrêmement contraint (qui plus est à l’approche des congés d’été, paradoxal avec une volonté affirmée (il vaudrait donc mieux dire affichée) de dialoguer, a été trés largement dénoncé. Le Directeur de Cabinet a indiqué qu’il en réfèrerait à la ministre sans toutefois prendre le risque d’indiquer que ce calendrier serait revu. Il y a manifestement urgence à agir, il est vrai qu’en 2008, des échéances politiques sont fixées qui pourraient bien mettre un terme à toute velléité de réforme.

D’ores et déjà, certains chefs de cours (Bordeaux, Chambéry, …) ont procédé aux premières consultations des représentants au C.T.P.R. Cette précipitation est à  tout le moins maladroite dans la mesure où à Bordeaux les représentants ont été conviés à  une rencontre à  17 H, donc non seulement à un horaire tardif, mais aussi sans avoir pu bénéficier des informations nécessaires à l’échange puisque la réunion avec la ministre s’est achevée vers 16 H 30 !

Quelques mots de conclusions :

Le discours de la ministre s’est voulu en tout point rassurant : pas de position dogmatique, assurance d’une véritable concertation, nécessité de recueillir un large consensus sur les propositions qui seront développées… Néanmoins, la question des mesures d’accompagnement de la réforme a été très largement évoquée ; ainsi, une cellule est constituée au niveau national et il y aura également une cellule spécifique au niveau de chaque cour d’appel, pour traiter la question sociale de manière individualisée.

Nous prenons connaissance du communiqué de la ministre suite à cette réunion d’installation du comité consultatif. La satisfaction qu’elle témoigne ne saurait être partagée par notre organisation syndicale, cette réunion n’ayant apporté aucune des réponses aux questions posées.

Nous estimons que le flou qui prédomine cette réforme permettra soit de mettre en oeuvre des mesures dans l’urgence, soit d’enterrer une fois de plus un dossier dont les enjeux sont beaucoup trop importants pour être consensuels !

Notre organisation syndicale diffusera un commentaire plus détaillé sur le discours de la ministre dans les jours qui viennent.

Nous invitons tous les fonctionnaires, via nos représentants locaux ou directement auprès du local national, à nous faire remonter toutes les propositions qui seraient envisagées au niveau de leur juridiction afin de mettre en place les ripostes appropriées aux préconisations qui ne seraient pas acceptables !