Budget, langue… Vers l’américanisation de la justice !

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Budget, langue…

Vers l’américanisation de la justice !

Do you speak Donald ?

La privatisation des missions publiques, du budget, des supports écrits et des esprits n’a décidément pas de limites à l’ENG !

A tel point que l’on peut parler d’américanisation non pas rampante mais clairement affichée.

Ainsi, si ce n’est pas nouveau que nous contestions le recours au privé pour des cours de formation destinés aux stagiaires, alors même que les ressources en la matière au sein du ministère existent, ce recours au privé n’a cessé de croître ces dernières années. 

Pourtant, sans surprise aucune, le recours à des sociétés privées fait la démonstration de son inefficacité, d’autant plus rapporté à son coût !

Autre fléau qui s’étend, l’usage de termes anglais dans les supports écrits de l’ENG : catalogue de formation, courriels (« save the date »… et le king alors, qui le save ?).

Le président de la République française ne vient-il pas d’inaugurer la Cité internationale de la langue française en 2023, à Villers-Cotterêts, où fut pris le plus ancien texte encore en vigueur, l’ordonnance d’août 1539 sur le fait de la justice, dite l’ordonnance de Villers-Cotterêts, qui instaure le français comme langue utilisée par la justice ?

Sans parler d’autres textes, pourtant a priori peu obscurs pour des juristes, telles la Constitution française, qui prévoit dans son article 2 que « La langue de la République est le français », ou encore la loi du 4 août 1994 qui dispose, puisqu’il semblait nécessaire de le préciser, que la langue française est « la langue (…) des services publics ».

Pour un établissement de formation professionnelle, ça la fiche mal !

Le premier ministre et le ministre de la justice ne cessent de nous saouler avec l’autorité, mais ce dernier est incapable de respecter et faire respecter la législation française au sein de ses administrations… Rappelons qu’il n’y a rien de disruptif ou de moderne à enfreindre la loi.

Ceci n’était sans doute déjà pas assez, heureusement les séries et films américains sont sources d’inspiration.

Il suffit ainsi donc d’un parallèle hasardeux avec les campus universitaires à la sauce yankee, pour, semble-t-il, instaurer des soirées de gala pour chaque promotion de stagiaires. La guillotine (en carton, précisons-le, une loi a bel et bien aboli la peine de mort) est-elle prévue pour le roi et la reine, afin d’apporter une petite french touch ?

Et au passage, les greffiers et directeurs stagiaires ne sont pas des étudiants mais des fonctionnaires en situation de formation professionnelle. Les mêmes sont d’ailleurs écartés des festivités… tout comme l’ensemble des greffiers et DSGJ en juridiction, qui ne sont pas informés de l’anniversaire de la première étape importante de leur carrière professionnelle qu’est l’ENG.

Enfin, et puisqu’il est question de gala, venons-en au plus choquant du moment : ce gala pour les 50 ans qui, nous dit-on, est une soirée caritative. Totalement hallucinant et inacceptable !

Au moment même où le gouvernement supprime des millions du budget de la justice (un peu plus de 129 millions d’euros pour la seule justice judiciaire!), le faisant par ailleurs repasser sous la barre symbolique des 10 milliards dont s’était gargarisé le ministre, l’ENG fait ainsi appel à la charité.

Rappelons que la charité est une facette du libéralisme mâtiné de morale chrétienne, contraire à l’esprit des services publics et… de la laïcité ; qu’elle ne permet pas une répartition du budget de l’État efficace ni utile à l’intérêt général et à ceux qui en ont le plus besoin ; que par ailleurs, les dons étant défiscalisés, c’est le budget de l’État qui finance ces dons, mais que ce sont des particuliers qui décident à quoi cet argent va servir ; que la charité ne sert à rien d’autre, en plus du contournement de l’impôt qu’il constitue, qu’à mettre en valeur les personnes donatrices.

Il faut le rappeler, c’est l’impôt qui finance le service public, ce qui est d’autant plus crucial pour la justice qu’il est question d’indépendance de la justice. Si les plus riches doivent passer à la caisse, c’est principalement par une contribution commune, progressive et proportionnelle, également répartie entre tous les citoyens en fonction de leurs facultés selon la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen. 

C’est donc au rétablissement d’un impôt réellement proportionnel et progressif, avec absence de possibilités de contournement, et au renforcement de la justice économique et financière, que le ministre de la justice et le gouvernement auquel il appartient doivent s’atteler de toute urgence.

« My taylor is rich », peut-être, mais notre service public de la justice ne cesse en ce moment de s’appauvrir…

À Dijon, le 23 avril 2024

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