Indemnisation des agents en télétravail : notre lettre ouverte à la DSJ

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Paris, le 14 mai 2021

 

Monsieur Éric Virbel

Sous-directeur des ressources humaines des greffes

Ministère de la justice

Direction des services judiciaires

13, Place Vendôme

75042 Paris cedex 1

OBJET : indemnisation des agents en télétravail depuis leur résidence familiale.

REFER : votre courriel du 4 mai 2021.

Monsieur le directeur,

Lors de notre entretien du 3 mai dernier, nous avons évoqué la question du défraiement des stagiaires de l’ENG Dijon dont la formation (si l’on peut encore vraiment parler de formation) s’effectue uniquement en télétravail, en général depuis leur résidence familiale.

Ainsi que nous l’avons indiqué, lorsqu’une véritable scolarité s’effectue au sein de l’ENG, les stagiaires perçoivent des indemnités de scolarité, sur la base de deux taux de base pendant les huit premiers jours ainsi que les samedis et dimanches, et d’un taux de base les autres jours. Le taux de base est actuellement fixé à 9,46€ pour la métropole en application de l’arrêté du 3 juillet 2006 fixant les taux des indemnités de stage prévues à l’article 3-1 du décret n°2006-781 du 3 juillet 2006 fixant les conditions et les modalités de règlement des frais occasionnés par les déplacements temporaires des personnels civils de l’État.

Pour rappel « historique », la CGT connaît d’autant mieux cette situation que c’est suite à l’initiative de notre seul syndicat que les stagiaires de l’ENG continuent à percevoir ces indemnités de scolarité.

En effet, la DSJ et la direction de l’ENG ayant supprimé le versement de ces indemnités suite à une mauvaise interprétation du décret n° 2006-781 du 3 juillet 2006, notre syndicat a dû organiser des demandes individuelles, plus d’un millier adressées à l’époque par des stagiaires à la directrice de l’ENG, plus de 500 requêtes déposées par notre syndicat au tribunal administratif de Dijon…

Le tribunal administratif de Dijon nous a alors donné raison et, le ministère de la justice s’étant réveillé un peu tardivement, à la demande paraît-il de la DGAFP, alors que les premiers jugements du TA n’avaient pas fait l’objet de recours et étaient donc devenus définitifs, le Conseil d’État a confirmé cette décision, par un arrêt Giordanino du 9 juillet 20101.

Nous ne pouvons d’ailleurs que rappeler que si les indemnités avaient été supprimées immédiatement, le ministère de la justice a mis plusieurs années à verser les indemnités dues aux plus de mille stagiaires concernés…

Et nous ne pouvons là encore que déplorer que le ministère ait demandé quelque temps plus tard, à quelques dizaines de stagiaires, de rembourser des sommes, parfois très importantes, sans produire de justificatifs… mais sous menace de sanctions pécuniaires supplémentaires par la DGFIP en cas de non paiement dans des délais contraints…

Quelques stagiaires ont payé, parfois même en s’endettant, mais nous avons finalement obtenu que le « remboursement » de ces sommes, prétendument dues mais non justifiées, soit abandonné…

Aujourd’hui, dans le cadre de la pandémie Covid 19, nous sommes confrontés à une autre difficulté.

En effet, alors que le télétravail était auparavant très limité, malgré les demandes des personnels qui le souhaitaient, c’est aujourd’hui presque en passe de devenir la norme…

Ainsi, concernant les stagiaires de l’ENG, certaines promotions ont vu leur scolarité se dérouler quasi exclusivement en télétravail (en dehors d’une partie des collègues d’outremer), quelles que soient les conditions de travail dans lesquelles celui-ci pouvait s’exercer depuis leur résidence familiale…

Il est indéniable que le télétravail permet à l’administration, dans ce contexte, de faire des économies substantielles.

Ainsi, lorsqu’il y a télétravail pendant les périodes de scolarité, les indemnités ad hoc ne sont plus versées, et cela représente des sommes non négligeables.

Ainsi, l’administration fait notamment des économies sur :

– le nettoyage des studios,

– le lavage des draps, serviettes, …

– l’électricité, tant pour l’amphithéâtre, les salles de classe que les studios, en termes d’éclairage, de chauffage (maintenant raccordé à la ville), de fonctionnement des ordinateurs, …

– l’eau,

… (liste loin d’être exhaustive) …

Le télétravail à domicile réduit bien évidemment les risques d’accidents de service (mais les RPS sont avérés, et les TMS ne sont pas inexistants), et à fortiori les accidents de trajet.

Cette diminution des risques d’accident est d’abord un avantage pour les personnels concernés, mais cela constitue également un avantage pour l’administration.

Pour les fonctionnaires aux plus faibles revenus, l’accès à un restaurant administratif, pour celles et ceux qui avaient la chance de pouvoir en bénéficier, permettait d’avoir accès tous les midis à un vrai repas …

Dans votre courriel du 4 mai 2021, vous nous indiquez qu’il est impossible de verser des indemnités de stage aux greffiers et directeurs stagiaires « suivant une scolarité à l’ENG, sous la forme d’un enseignement à distance suivi depuis sa résidence familiale ».

Nous sommes bien conscients que le versement d’indemnités de stage, telles que prévues par le décret n° 2006-781 du 3 juillet 2006 et l’arrêté du même jour n’est juridiquement pas possible dès lors que les stagiaires sont à leur résidence familiale.

Ce que la CGT revendique, pour l’ensemble des agents, qu’il s’agisse de stagiaires ou de titulaires, c’est un défraiement des sommes supplémentaires engagées dans le cadre du télétravail à domicile, alors que l’administration fait, dans le même temps, de substantielles économies.

Des textes existent déjà depuis plusieurs dizaines d’années concernant les indemnités dites de chaussures et de petit équipement, d’autres pour travaux dangereux, insalubres, incommodes ou salissants (décret n° 67-624 du 23 juillet 1967)… Or l’article .L1222-9 III du code du travail indique que « le télétravailleur a les mêmes droits que le salarié qui exécute son travail dans les locaux de l’entreprise ». La chambre sociale de la cour de cassation a posé le 9 janvier 2008 le principe selon lequel « les frais professionnels engagés par le salarié doivent être supportés par l’employeur »2. Les mêmes dispositions se retrouvent dans l’article 6 du décret n° 2016-151 : « les agents exerçant leurs fonctions en télétravail bénéficient des mêmes droits et obligations que les agents exerçant sur leur lieu d’affectation. L’employeur prend en charge les coûts découlant directement de l’exercice des fonctions en télétravail, notamment le coût des matériels, logiciels, abonnements, communications et outils ainsi que la maintenance de ceux-ci. L’employeur n’est pas tenu de prendre en charge le coût de location d’un espace destiné au télétravail. »

Pour de très nombreux collègues, le télétravail à domicile est pour le moins incommode…

Alors que la DSJ vient d’établir un projet de document de travail de 42 pages sans les annexes sur « Le télétravail dans les greffes », il nous semble donc d’actualité de prévoir une indemnité de défraiement pour les frais supplémentaires engagés par les agents en télétravail, alors que l’administration engrange de substantielles économies.

Le télétravail a des fondements juridiques, l’indemnisation des agents doit en avoir également.

Nous vous prions d’agréer, Monsieur le directeur, l’expression de notre parfaite considération.

1Conseil d’Etat 5ème et 4ème sous section réunies 9/7/2010, 332926

2Cour de cassation, chambre sociale, du 9 janvier 2001, 98-44.833

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