La CGT répond au directeur de l’ENG

Dans une lettre aux organisations syndicales, le directeur de l’ENG tentait, en vain, d’apporter des explications aux sommes conséquentes injustement réclamées. La CGT lui répond et lui rappelle les étapes de cette -trop- longue histoire des indemnités de stage.

Vous trouverez les deux courriers ci-dessous, également téléchargeables.

 

COURRIER DE LA CGT

Roubaix, le 26 août 2015

Monsieur le directeur
de l’École nationale des greffes 5 boulevard de la Marne
CS 27109
21071 Dijon cedex

OBJET : “remboursement de trop perçus d’indemnités de stage” ;
REFER : votre courrier ad hoc en date du 18 août 2015 adressé aux organisations syndicales.

 

Monsieur le directeur,

C’est avec stupéfaction que notre organisation syndicale a pris connaissance de votre courrier susvisé.

La C.G.T., qui est sans doute, et pour cause, l’organisation syndicale la mieux placée pour connaître ce dossier, ne vous avait pas saisi jusqu’ici.

En revanche, suite à l’établissement récent d’un nombre important de titres de perception à l’encontre de nombreux anciens greffiers ou greffiers en chef stagiaires, nous avons diffusé sur notre site deux modèles de courriers à remplir par les intéresséEs, l’un à votre intention, l’autre à celle de la DDFIP ou DRFIP émettrice du titre de perception.

Vous indiquez : “Ce recouvrement s’inscrit dans le prolongement de ceux intervenus fin 2013 pour d ‘autres promotions. Vos organisations avaient à l’époque été très étroitement associées à l’engagement de cette démarche dont l’ampleur était déjà connue” (sic !).

Il s’agit là de votre part d’un mensonge aussi éhonté que scandaleux !

La C.G.T. n’a jamais été associée ni de près ni de loin à l’engagement de cette démarche, évidemment encore moins « très étroitement ». Quant à « l’ampleur », il n’en a jamais été fait état!

Lors de l’émission de titres de perception en 2013, la C.G.T. avait demandé (et avait conseillé aux collègues concernés de demander) la justication des “trop perçus” réclamés… Si certainEs collègues ont obtenu communication d’une douzaine de tableaux plus ou moins lisibles et compréhensibles, il ne s’agissait nullement d’une justification argumentée desdits “trop perçus”…

Pour rappel, le dossier des indemnités de stage a été initié par notre organisation syndicale suite à la décision de la D.S.J., début 2007, de ne plus payer d`indemnités aux stagiaires pendant leur scolarité à l”E.N.G., sur la base d’une mauvaise interprétation du décret fonction publique du 3 juillet 2006 et considérant notamment l’arrêté ad hoc du 8 novembre 2000 comme implicitement abrogé.

La C.G.T. avait alors diffusé aux stagiaires un modèle de lettre à adresser au directeur (puis à la directrice) de l’E.N.G., afin d’attaquer le refus devant le tribunal administratif de Dijon. C’est ainsi plus de 500 requêtes que notre syndicat a déposé devant ce T.A., provoquant d’ailleurs cette année la une explosion de leurs statistiques relatée par “Le Bien Public”…

Déjà à ce moment-là, face aux arguments de la C.G.T., le ministère n’avait eu aucun argument juridique à nous opposer, se bornant à indiquer lors de l’audience que la décision du T.A. risquait de coûter cher (argument juridique s’il en est !) et tentant, à l’appui de sa mauvaise cause, de réécrire les règles de la ponctuation…

C’est ainsi que par cinq premiers jugements, le tribunal administratif de Dijon avait donné raison aux stagiaires concernés, soutenus par la C.G.T.

Ces jugements étant devenus définitifs faute de recours du ministère, c’est par ordonnances concernant à chaque fois plusieurs centaines de stagiaires que le tribunal administratif a confirmé ses premiers jugements.

C’est alors que le ministère s’est réveillé, effectuant des recours devant le Conseil d’État.

Le Conseil d’État a pris d’abord un dossier parmi les autres, et la C.G.T. est intervenue, notamment en fournissant un avocat à la collègue concernée.

Là encore, nous n’avons eu droit à aucune argumentation juridique, le ministère, ainsi que le rapporteur public s’en était fait l’écho, se bornant à expliquer que cela allait coûter trois millions d’euros.

Et là encore, par son arrêt n°332925 du 9 juillet 2010, le Conseil d’État aconfirmé le jugement du tribunal administratif de Dijon, validant une fois de plus l’argumentation de la C.G.T.

Suite à cet arrêt, le ministère a sorti un arrêté en date du 16 juillet 2010 (publié au J.O. du 24 juillet 2010), abrogeant l’arrêté du 8 novembre 2000… sauf que cet arrêté, normalement applicable à compter du lendemain de sa publication au J.O. soit le 25 juillet 2010, indiquait qu’il prenait “effet au 30 avril 2010” !

Là encore, la C.G.T. a attaqué cet arrêté devant le Conseil d’État quant à sa date de prise d’effet et, là encore, par son arrêt n°343466 du 16 juillet 2012, la juridiction administrative nous a donné raison. Précisons, pour la petite histoire, que lorsque nous avons demandé au ministère pour quelle raison ils avaient commis une telle “bourde”, il nous fut répondu qu’ils ne pensaient pas que la C.G.T. ferait un recours !

À partir de 2010, l’E.N.G. applique différemment la dégressivité des indemnités de stages, cherchant manifestement à récupérer d’un côté ce qu’elle est obligée de donner de l’autre… mais sans aucune justification.

Ainsi, nous ignorons toujours sur la base de quelle interprétation de quel texte l’E.N.G. (donc le ministère) réclame depuis 2013 des trop perçus à d’anciens stagiaires.

Depuis 2013, nous avons diffusé des modèles de courriers, nous avons demandé des justifications au ministère, nous n’en avons jamais obtenu !

Il est d”autant plus stupéfiant de constater que les seules références textuelles indiquées sur les titres de perception, exigeant de nos collègues des sommes souvent très élevées à payer dans des délais très restreints (deux mois !), sont ces arrêts du Conseil d”État qui avaient donné raison à la C.G.T. et que le ministère a mis lui-même plusieurs années à mettre en application !

L’argument selon lequel “le recouvrement… du trop perçu des indemnités de stage… a fait l’objet d’une recommandation de la Cour des comptes” est on ne peut plus spécieux ! En effet, la Cour des comptes n’a pas, à notre connaissance, fait une analyse des textes applicables et de l’interprétation qu’il convenait d’en faire.

Et c’est donc bien toujours la même question : sur quels textes, quelle interprétation, ces sommes sont-elles réclamées ?

En l’état, la C.G.T. continue de considérer que les sommes réclamées à titre de “trop perçus”, que ce soit en 2013 ou depuis juillet 2015, ne sont pas dues, ne l’ont jamais été, mais comment attaquer devant les juridictions administratives sans la moindre demande initiale émanant du ministère ou de l’E.N.G. ?

Quant aux titres de perception de juillet 2015, il est évident pour la C.G.T. qu’en application des textes, et notamment de la circulaire DGFIP/DGAFP du 11 avril 2013, les sommes réclamées sont prescrites.

Et nous ne sommes pas prêts à dédouaner le ministère de la justice, la D.S.J. et l’E.N.G., comme le font aujourd’hui certaines organisations syndicales, de toutes responsabilités dans les difficultés auxquelles sont actuellement confrontés nos collègues.

La C.G.T. se demande d’ailleurs aujourd’hui si les titres de perception émis à l’encontre des anciens stagiaires ne pourraient s’analyser en tentative d’extorsion en bande organisée (confer articles 312-1, 312-6 et 312-9 du code pénal), et c’est bien le ministère de la justice qui est à la manoeuvre.

Je vous prie d’agréer, Monsieur le directeur, l’expression de ma parfaite considération.

Pour le Syndicat National C.G.T., le secrétaire général

Michel DEMOULE

Le courrier de la CGT en pdf se télécharge ici.

 

COURRIER DU DIRECTEUR DE L’E.N.G.

Monsieur le Directeur de l’Ecole Nationale des Greffes

à
Mesdames et Messieurs les représentants des organisations syndicales

 

Objet : remboursement de trop perçus dïndemnités de stage

Suite à vos courriers concemant les titres de perception émis par les trésoreries générales à l’encontre des greffiers et greffiers en chef des promotions B2005 C02, A 2006 C01, B2006 C01, B2007 PO1 qui couvrent la période de scolarité du 05 septembre 2005 au 30 novembre 2007, il me paraît important de vous apporter les précisions suivantes.

Ce recouvrement s’inscrit dans le prolongement de ceux intervenus en 2013 pour d’autres promotions. Vos organisations avaient à l’époque été très étroitement associées à l’engagement de cette démarche dont l’ampleur était déjà connue.

Il convient de rappeler que le recouvrement des indus dans le cadre du trop perçu des indemnités de stage est une obligation qui s’impose aux ordonnateurs et qui a fait l`objet d’une recommandation spécifique de la Cour des comptes dans son contrôle de l’Ecole Nationale des Greffes il y a deux ans.

Vous avez soulevé dans vos courriers la question de la prescription de ces créances anciennes. Parce que cette question me préoccupait aussi, mes services, après analyse du secrétariat général du Ministère, ont interrogé la DRFIP de Bourgogne qui a prescrit de recouvrer ces sommes au motif que « s’abstenir de constater ou de liquider une créance de l’Etat constituait un acte de dísposition des deniers publics qui excède les pouvoirs de tout ordonnateur ».

L’ordonnateur ne dispose donc pas de pouvoir d’opportunité et s’abstenir d’émettre un titre de recouvrement peut le conduire à voir sa responsabilité engagée devant la Cour de discipline budgétaire et financière.

Pour autant, dans le souci de protéger au maximum les intérêts des greffiers et greffiers en chef concernés et en s’appuyant sur les arguments développés dans vos courriers et interventions, la Direction des services judiciaires a sollicité en urgence une nouvelle analyse au ministère des Finances. La DSJ a en particulier pointé les évolutions intervenues depuis la première vague de recouvrement en 2013 et portant sur les règles de prescription et la qualification des indemnités de stage, relevant désormais des crédits de rémunération et non plus du fonctionnement courant.

Cette réponse, qui devrait intervenir à bref délai, me permettra d’adresser à chaque fonctionnaire concerné une information précise et individuelle sur les circonstances, l’objet et l’analyse du bien fondé de cette procédure de recouvrement.

A cet égard, je ne puis que déplorer avec vous le fait que les agents n’aient pas d’emblée obtenu le détail de leur créance. Suite à vos demandes et alertes, l’école a contacté les DRFIP pour comprendre pourquoi les titres ne comprenaient pas les décomptes individuels explicitant et soutenant la base de la liquidation. Il apparaît que la transmission aux agents des tableaux précis qui avaient été communiqués à cette fin aux services des finances se soit heurtée, sans que l’école en soit informée, à des obstacles informatiques et techniques et que seul l’avis de mise en recouvrement ait dès lors pu être adressé.

Plus largement et sur le principe, je tiens à vous dire que je comprends parfaitement combien la réclamation de ces créances anciennes peut être douloureusement ressentie par les personnes concemées et susciter de l’incompréhension. Sachez que l’école est mobilisée pour apporter aux greffiers et greffiers en chef les réponses et explications légitimement attendues, directement et par votre intermédiaire.

Le Directeur
Michaël JANAS

Le courrier du directeur de l’ENG se télécharge ici.

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