Oui, les CPH doivent rester des juridictions autonomes !

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Oui, les CPH doivent demeurer des juridictions autonomes !

Nos réponses au Sénat

Le Sénat a lancé le 8 novembre 2017 un nouveau groupe de travail sur la justice prud’homale avec comme rapporteurs Mmes CANAYER, DELATTRE, FERET et GRUNY. Avec un nouveau rapport en perspective donc, mais actuellement sans date de dépôt prévue !?

Ce groupe de travail a élaboré 30 questions qui ressemblent furieusement à un projet de loi. Ces questions, le groupe n’a pas jugé bon de les communiquer aux organisations syndicales (on se demande bien pourquoi…). Mais nous les avons récupérées et nous y répondons ci-dessous.

Dans les grandes lignes de ces questions, rien de malheureusement nouveau ! Le projet de suppression des CPH pour les intégrer aux TGI revient sur le tapis alors qu’un projet de loi a été déposé en ce sens au Sénat le 20 avril pour (notamment) supprimer les TI et les intégrer aux TGI.

Questions indicatives destinées

aux personnes entendues en audition

Questions générales :

1. Quel bilan tirer des réformes engagées entre 2013 et 2017, au regard des exigences de rapidité et de qualité des décisions ainsi que d’accessibilité de la justice prud’homale ?

Un bilan globalement négatif, mais c’était prévisible, puisque les mesures prises ont été à l’inverse de ce qu’il aurait fallu faire !

Ainsi, en matière d’accessibilité, un imprimé de saisine de 4 pages, englobant la notice, avait été mis en place dans les années 1980 en concertation avec les organisations syndicales de fonctionnaires. Cet imprimé, largement diffusé, avait bien sûr fait depuis l’objet de modifications en fonction des réformes et, bien sûr, de la recodification (complexification) du code du travail. Cet imprimé n’avait jamais pu être « cerfatisé », en raison d’une opposition du CNPF (devenu le MEDEF) qui ne voulait pas qu’une page soit consacrée aux demandes possibles (bien sûr non exhaustives).

Suite à la loi Macron de 2015 et à son néfaste décret d’application, un nouvel imprimé a été mis en place par le ministère, sans concertation avec les organisations syndicales du terrain… De 4 pages, nous sommes passés à 7 pages de notice qui, sous le titre « Nous sommes là pour vous aider » (sic), précisait qu’il fallait lire la notice avant de remplir l’imprimé, de 11 pages ! De 4, nous sommes donc passés à 18 pages d’imprimé (puis à 12 pages, notamment en changeant la police de caractère), dans le cadre d’une procédure théoriquement toujours orale… mais le changement de terminologie, de «saisine » à « requête », impliquait bien une procédure écrite.

Et curieusement, ce nouvel imprimé, élaboré sans concertation, a été immédiatement cerfatisé…

Depuis l’utilisation du nouvel imprimé, pratiquement une saisine sur deux arrive désormais incomplète, ce qui n’était pas le cas auparavant. Cela démontre bien la difficulté pour les usagers d’appréhender ce dernier, tout comme d’ailleurs pour les défenseurs syndicaux et les avocats qui parfois ne font pas mieux.

Les délais antérieurement aux dispositions de 2017 ne seront pas plus écourtés dans la mesure où les demandes de renvois qui se faisaient avant cette réforme en audience de jugement sont maintenant sollicitées devant les séances du bureau de conciliation et d’orientation de mise en état, les avocats n’étant jamais en état.

Sur un autre aspect de la procédure, il convient de rappeler que le but premier des conseillers prud’hommes est de concilier et que si l’on avait imposé la comparution personnelle des parties aux séances de conciliation, voire la non représentation, il est fort probable que le taux de conciliation aurait été supérieur, le litige étant l’affaire des parties et non de leur conseil respectif. La nouvelle procédure impose au demandeur de joindre les documents qu’il devra adresser à la partie défenderesse et de développer un argumentaire pour justifier ses demandes. Or, le parallélisme des formes n’existe pas dans la mesure où la partie défenderesse est seulement invitée à produire ses pièces et arguments avant la séance de conciliation et d’orientation et n’est pas obligée, ce qui empêche les conseillers prud’hommes d’avoir tous les éléments du dossier pour tenter de rapprocher les parties et de leur éviter une procédure parfois longue et coûteuse.

2. Globalement, quelles sont les principales réformes à mener pour redresser la justice prud’homale, au regard des dysfonctionnements constatés ?

De quels dysfonctionnements parle-t-on exactement et combien de CPH sont concernés par tant de dysfonctionnements ? Des CPH avec un faible taux de départage, un taux d’appel inférieur à 50 % et un bon taux de confirmation en appel, cela existe aussi mais ces derniers ne sont jamaisauditionnés car cela va à l’encontre de la démonstration souhaitée.

Ce qu’il faut faire ?

=> outre des moyens humains adaptés aux nécessités de service, il convient également de donner les moyens matériels et budgétaires pour permettre aux CPH de fonctionner et de cesser de restreindre leur budget notamment en matière de documentation ;

=> diminuer le nombre de conseillers là où il y en a trop, en rajouter là où il y a des besoins, arrêter de supprimer les effectifs de fonctionnaires, et notamment des directeurs de greffe… Les effectifs des CPH ont fondu de 30% à 50% sur les trente dernières années. Qui dit moins d’agents, dit moins d’audiences et donc une augmentation des délais de traitement…Déj༠des postes de directeurs (24 sur 99) été supprimés entre 2015 et 2018. La suppression d’au moins 39 autres postes est également prévue du fait de la réforme de 2015 dans les CPH de moins de 9 agents… Ces suppressions vont s’opérer alors que la direction des services judiciaires reconnaît elle-même souffrir d’un déficit d’encadrement.

=> réactualiser la mesure de l’activité des CPH afin d’ajuster les effectifs de fonctionnaires. Cette observation est mentionnée dans le rapport de Mme ROSTAND chargée de l’accompagnement et du soutien à la réforme prud’homale et dans le rapport de l’inspection générale de la justice consacrée à l’expertise auprès de 5 CPH importants. En effet, la réforme induit mécaniquement davantage d’audiences (bureaux de mise en état, bureau de jugements restreints…) ce qui implique davantage de greffiers. Par ailleurs, l’assistance du greffier dans le suivi de la mise en état se trouve renforcée. De plus, rappelons que le fonctionnement d’un CPH n’est pas comparable à celui d’une chambre d’un TGI ou d’une cour d’appel composée de 3 magistrats et d’un 1 greffier permanent. Un CPH comprend de nombreux conseillers non permanents. Cette différence est absolument fondamentale dans l’organisation et le fonctionnement de la juridiction. 

=> généraliser les accès des conseillers prud’hommes à l’intranet justice (Jurica, Jurinet, DACS, ENM, ENG./.)

=> prévoir une formation obligatoire commune de tous les conseillers prud’hommes à l’instar de la formation initiale des nouveaux conseillers

=> et évidemment, revenir sur les précédentes réformes menées dans le seul but de faire couler les CPH ;

3. Quelles préconisations de votre rapport n’ont pas été mises en œuvre et resteraient pourtant susceptibles d’améliorer l’efficacité de la justice prud’homale(question spécialement destinée aux auteurs de rapport de proposition ou d’évaluation intéressant la justice prud’homale) ?

Les dysfonctionnements actuels :

4. Quelles sont les causes de l’allongement des délais de jugement devant les conseils de prud’hommes ces dernières années, plus longs que pour toutes les autres juridictions de première instance, sans même recours au départage ? Comment y remédier ?

Rappelons que la principale cause, de loin, de la longueur des délais de jugement, est due au fait que les avocats, en demande comme en défense, ne sont pratiquement jamais prêts dans les délais impartis, et pourtant fixés avec eux lors de l’audience de conciliation… et qu’ils demandent renvois sur renvois… D’un autre côté, certains avocats avouent que des dossiers peuvent rester plusieurs années en mise en état devant le TGI, ce qui ne convainc pas de la lanterne rouge attribuée à l’institution prud’homale.Pour autant, la durée d’une procédure prud’homale dépend exclusivement des parties et non d’un dysfonctionnement de l’institution.Ceux qui affirment le contraire n’ont jamais mis les pieds dans un CPH !

L’insuffisance du nombre de greffiers dans certains CPH ne permet également pas d’assurer un nombre suffisant d’audiences. En augmentant le nombre de greffiers, on augmente forcément le nombre d’audiences de jugement et on diminue les délais de procédure…

5. Quelles sont les causes de la longueur des délais de jugement des affaires prud’homales en appel ? Comment y remédier ? Les cours d’appel sont-elles organisées d’une manière permettant de faire face au poids de ce contentieux ?

Tout le monde sait qu’il y a dans les chambres sociales des cours d’appel des magistrats brillants, passionnés par le droit social… et aussi tous ceux dont on ne sait pas quoi faire et qu’on met donc à la chambre sociale, dernière roue du carrosse, comme le sont les CPH par rapport aux autres juridictions…

Il faudrait que l’institution judiciaire porte un autre regard sur le droit social, et pas seulement du dédain… La solution passe sans doute par un renforcement des magistrats et greffiers affectés à cette chambre pour résorber le stock. 

6. Comment expliquer le niveau du taux d’appel des jugements des conseils de prud’hommes ? La qualité des décisions rendues est-elle en cause ? De même, comment expliquer le niveau d’infirmation des jugements en appel ?

C’est l’un des mauvais faux procès toujours fait aux CPH, le taux d’appel est très important, ce serait dû à la qualité des décisions rendues par les conseillers prud’hommes, décisions qui feraient l’objet d’un fort taux d’infirmation…

Cela s’appelle de la désinformation, ou de la malhonnêteté intellectuelle, au choix…

En effet, c’est la nature même du contentieux qui induit le taux d’appel. Lors de la réforme de 1979/80, unE salariéE pouvait venir devant le CPH pour réclamer uniquement des heures supplémentaires ou des congés… Ce n’est plus le cas depuis de nombreuses années : le contentieux est essentiellement celui du licenciement.

Dès lors, très logiquement, si le salarié qui se considère licencié abusivement est débouté, il va faire appel… et si l’employeur est condamné, il va également faire appel, ne serait-ce que pour gagner du temps…

Si la qualité des décisions était en cause, on devrait trouver un taux d’appel bien plus faible, voire dérisoire, pour les jugements des juges départiteurs, ce qui n’est manifestement pas le cas !Quant au taux de confirmation ou d’infirmation des jugements rendus par ces derniers, il n’y a pas de quoi forcément pavoiser pour la magistrature professionnelle.

Par ailleurs, il serait utile de procéder à une étude pour vérifier si de nombreux appels ne sont pas des appels réalisés à titre conservatoire et vérifier le nombre d’appel qui aboutissent à des désistements d’instance et d’action du fait d’un accord intervenu entre les parties, accord sur la décision prononcée.

Enfin, le calcul du taux d’appel ne prend pas en compte les affaires sérielles dans les lesquelles la juridiction procède généralement à la jonction des procédures. Ainsi si l’on procède à la jonction des procédures engagées par 50 salariés, il ne sera prononcé qu’un seul jugement qui pourra faire l’objet de 50 appels. Le taux d’appel se trouve alors largement faussé.

7. Comment expliquer la diminution du nombre des affaires au cours des dernières années (nouvelles modalités de saisine, développement de la rupture conventionnelle…) ?

Plusieurs raisons  :

=> la rupture conventionnelle qui existe depuis environ 10 ans, mais s’est particulièrement développée ces dernières années ;

=> la réduction de la prescription (qui est passée de 5 à 1 an) grâce à la loi de « sécurisation de l’emploi », ce qui limite les possibilités de recours ;

=> la barémisation et le plafonnement des indemnités prud’homales (sauf pour certains contentieux ) ;

=> les délais de procédure qui découragent les usagers ;

=> mais surtout, c’est la complexification de la procédure, avec notamment le nouvel imprimé, en est la principale cause. Avant, on pouvait mandater un syndicaliste d’une union locale pour défendre un salarié. Maintenant, il faut être désigné défenseur syndical sur une liste agréée. Il faut constituer tout le dossier dès la saisine. On n’a pas le droit à l’erreur dans les demandes, car il faut produire l’ensemble des pièces dès le début. Si on oublie quelque chose, il faut refaire une procédure.

La procédure devant les conseils de prud’hommes :

8. La mise en place du bureau de conciliation et d’orientation a-t-elle apporté les améliorations attendues, en matière de fluidité des procédures, de réduction des délais de jugement, de désengorgement du bureau de jugement normal et de mise en état des affaires ?

Cela n’a pas changé grand chose, les justiciables et leurs conseils ne voyant pas l’intérêt des nouvelles dispositions relatives à la « gare de triage »

La mise en place des bureaux de conciliation et d’orientation n’a rien modifié hormis son intitulé. En revanche la mise en place des bureaux de conciliation et d’orientation de mise en état n’a fait qu’alourdir la procédure et contribuera sans aucun doute à un allongement des délais de procédure, les demandes de renvoi ne se faisant plus au stade du bureau de jugement mais au stade du bureau de conciliation et d’orientation de mise en état.

Le recul n’est pas suffisant pour mesurer de tels effets d’autant plus que la réforme intervient à un moment où il a été procédé au renouvellement général des conseillers prud’hommes avec environ 50% de conseillers n’ayant jamais exercé de mandat prud’homal.

9. Comment améliorer la mise en état des affaires avant leur examen par le bureau de jugement ? Quel rôle pourrait être donné aux greffiers dans ce domaine ?

La mise en état pourrait être totalement effectuée par le greffier. Celui-ci est le professionnel permanent de la juridiction. Il a donc une place centrale dans la gestion quotidienne des procédures contrairement aux conseillers qui ne peuvent suivre au jour le jour l’état d’avancement de l’instruction des dossiers. Le renforcement de sa mission ne peut que contribuer l’amélioration du fonctionnement de la juridiction. Encore faut-il donner les moyens aux conseils, et arrêter de supprimer des postes de fonctionnaires ! La mise en état devrait être prise en compte dans OutilGREF (qui est normalement un « outil » pour mesurer la charge de travail), le plus gros du travail étant assuré par le greffe. 

Signalons, que de façon fort malhonnête, le ministère affirme que c’est dans les CPH que les vacances sont les moins nombreuses… Logique dès lors qu’une bonne partie des postes qui se libèrent sont supprimés.

L’ordonnance de clôture est un bon outil mais il faudrait expressément prévoir dans les textes les pouvoirs permettant au bureau de mise en état de statuer sur les incidents d’instance (ex désistement d’instance) ou exception de procédure (ex : incompétence) afin de traiter ces procédures sans délai et sans avoir à les renvoyer en jugement.

10. Quelles améliorations procédurales pourraient aujourd’hui être envisagées (suppression de l’accord des parties pour une orientation vers le bureau de jugement restreint, limitation des possibilités d’orientation vers le bureau de jugement normal…) ?

Le bureau de jugement restreint était et demeure une mauvaise idée, les conseillers employeurs comme salariés s’y opposent, et les greffes n’y sont pas plus favorables.

Limiter l’accès au bureau de jugement normal avec quatre conseillers serait bien sûr une absurdité, donc il y a des chances (ou plutôt des risques) que cette idée farfelue prospère…

Le retour à la comparution personnelle des parties contribuerait probablement à une augmentation du taux de conciliation.

Le rétablissement du principe de l’unicité de l’instance éviterait également une multiplicité des demandes pour un seul et même contrat d’autant si un élément nouveau intervenait en cours d’une instance pendante.

La radiation avec diligence, et non pas la radiation telle que définie par le Code de Procédure Civile sans diligence, était un outil de gestion permettant de clôturer administrativement les dossiers dont les délais étaient trop longs et de tenir informé les usagers du défaut de diligence de leur conseil. Étant souligné que la période de deux ans pour la péremption est un délai suffisant pour solliciter le rétablissement de son affaire.

11. Plus spécifiquement, alors que le taux de conciliation devant les conseils de prud’hommes est en diminution depuis le début des années 2000, comment revaloriser la raison d’être de ces juridictions, consistant à rechercher le règlement des litiges par voie de conciliation ? Les réformes procédurales récentes en ce sens permettent-elles d’atteindre cet objectif ? Par quelles nouvelles mesures favoriser davantage la conciliation ?

Là encore, la baisse de la conciliation est liée au changement de nature du contentieux, ainsi qu’à la présence de plus en plus importante des avocats, ceux-ci n’ayant aucun intérêt à ce que l’affaire s’arrête au stade de la conciliation.

La récente réforme procédurale allait totalement à l’encontre de la recherche de conciliation, puisque l’employeur n’est plus obligé de comparaître, sans plus avoir à justifier d’un motif légitime.

Or il est manifeste qu’il est plus facile de concilier si l’employeur est présent que s’il est systématiquement représenté par un avocat.

Encore faudrait-il savoir exactement comment le taux de conciliation est calculé car il ne faut pas oublier que les exceptions au principe obligatoire de la conciliation n’ont eu de cesse d’augmenter au fil des années (trois nouvelles exceptions rien qu’en 2014) et que par définition ces affaires ne passent pas par le BCO. D’un côté on veut augmenter la conciliation et d’un autre on multiplie les exceptions à la conciliation ?

Enfin, rappelons que le taux de conciliation devant les CPH reste supérieur à celui observé devant les autres juridictions…

12. Indépendamment de la phase de conciliation, les modes alternatifs de règlement des litiges pourraient-ils être encouragés et développés en matière prud’homale ?

Non, c’est là encore une mauvaise idée, mais il faut donner les moyens à la conciliation de réussir, et notamment revenir à l’obligation de présence des parties.

Il n’y a besoin ni de conciliateurs, ni de médiateurs, au surplus payants. Car oui, la mission première d’un conseiller prud’homme (comme celle des magistrats professionnels, ne l’oublions pas !) est la conciliation.

13. Faut-il renforcer la place du juge départiteur ? Si oui, comment ?

Non, au contraire, puisque cela n’a comme conséquence principale que d’allonger encore les délais…

Une étude démontrerait que le délai d’un mois sans sanction entre la date de prononcé de la décision de départage et la date de l’audience de départage n’est jamais respecté.

14. Faut-il mettre en place un mécanisme procédural de regroupement des contentieux intéressant les salariés d’un même employeur ou d’un même groupe, pour faire en sorte qu’un seul conseil de prud’hommes soit saisi et ainsi éviter des jugements divergents (cas par exemple de la contestation de la cause économique d’un plan de sauvegarde de l’emploi ou de l’application d’un accord collectif dans plusieurs établissements) ?

Et pourquoi pas un seul CPH à PARIS pour les multi-nationales tant qu’on y est ?

Les règles de procédure permettent d’appliquer ce regroupement (litispendance et connexité), mais encore faut-il que ces exceptions de procédure soient soulevées par les parties.

Par ailleurs, il convient également de rappeler que les arrêts de règlement étant interdits par les textes, la multiplicité de décision uniforme et contradictoire peut être à l’origine de modification législative, le droit social étant un droit évolutif et mouvant

15. Peut-on dresser un premier bilan du barème impératif d’indemnisation en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse ?

C’était une mauvaise idée d’encourager les patrons voyous à licencier abusivement. Qu’attendre d’une telle mesure ?

En mettant en place un tel barème, on n’indemnise plus le préjudice en fonction du dommages réellement subi, règle de droit civil, mais en fonction de l’ancienneté du salarié. Il n’est pas tenu compte dans ce barème du dommage moral.

16. Peut-on dresser un premier bilan du transfert au conseil de prud’hommes des recours à l’encontre des décisions du médecin du travail ?

Cela a créé de nombreuses difficultés dans les greffes pour les conseillers comme pour les greffiers… et cela n’a rien à voir avec les compétences du CPH…

L’accessibilité de la justice prud’homale :

17. Quelle place ont aujourd’hui les avocats en pratique dans les procédures prud’homales, en première instance et en appel ?

Ils sont de plus en plus nombreux, puisqu’on s’oriente de plus en plus vers une procédure écrite avec représentation obligatoire… Du coup, cela augmente le coût pour l’usager.

La nouvelle procédure leur donne une place trop importante et l’instauration du défenseur syndical n’est qu’un palliatif pour calmer les organisations syndicales et un système voué à l’échec au regard du nombre d’heures mensuelles qui leur sont allouées (10 heures mensuelles pour la représentation devant les juridictions… ce qui est dérisoire)

18. La création du statut de défenseur syndical a-t-elle permis d’améliorer l’assistance et la représentation des parties, en première instance et en appel, et de rendre la justice prud’homale plus efficace ? Les défenseurs syndicaux remplissent-ils correctement leurs missions ?

Elle a surtout été un moyen d’aller progressivement vers la représentation obligatoire en cour d’appel !

Par ailleurs, vu le nombre d’heures dont ils disposent par mois, la fonction n’est vraiment possible que pour des défenseurs retraités…

19. Le régime de l’aide juridictionnelle soulève-t-il des difficultés particulières en matière prud’homale ?

Pas particulièrement, en dehors du fait que s’il y a heureusement des avocats sérieux, il y a aussi ceux qui considèrent que s’agissant de dossiers d’AJ, il n’y a pas lieu de trop s’impliquer…

Cependant, des interrogations demeurent sur la rémunération des avocats en matière de conciliation totale et des difficultés apparaissent lorsque la procédure se termine par un désistement d’instance consécutif à une transaction hors juge.

La difficulté pourrait résider dans le projet de loi adopté par le Sénat le 24 octobre 2017 (et qui semble avoir disparu des circuits depuis) qui prévoit le rétablissement de la contribution pour l’aide juridique et la consultation obligatoire d’un avocat avant de déposer une demande d’AJ…

Nous rappelons que nous revendiquons la création d’avocats « fonctionnaires » rémunérés directement sur le budget de l’AJ.

20. Plus largement, quels sont les problèmes d’accessibilité à la justice prud’homale pour les justiciables ?

La question du passage d’une procédure orale à une procédure écrite, d’un imprimé de 4 pages très clair à un imprimé de 18 puis de 12 pages qui l’est beaucoup moins… et par la suite, l’obligation de l’avocat ou du défenseur syndical (pour combien de temps?) en appel… Tout ceci fait que les usagers peuvent renoncer à leurs droits.

Il ne faut pas oublier la réforme de la carte judiciaire qui a été désastreuse en terme d’accessibilité et que dire du regroupement des chambres sociales sur certaines cours d’appels en terme d’accessibilité (cf. les déclarations récentes faites par le directeur des services judiciaires concernant les cours d’appels de Reims ou de Limoges).

La carte et les effectifs des conseils de prud’hommes :

21. La carte des conseils de prud’hommes est-elle adaptée aux besoins des territoires ? Le nombre des conseils est-il trop important, au regard du niveau d’activité de chaque conseil ?

La pseudo « réforme de la carte judiciaire » de Rachida DATI a fait assez de dégâts comme cela pour en rajouter… Rappelons qu’un tiers des CPH ont été supprimés à cette occasion, sans forcément une logique, hormis celle de supprimer pour supprimer.

22. Les petits conseils de prud’hommes rencontrent-ils des difficultés particulières de fonctionnement ou de qualité des décisions rendues ? La notion de taille critique suffisante est-elle pertinente pour ces juridictions ? À l’inverse, qu’en est-il des plus gros conseils de prud’hommes ?

La plupart des petits conseils ont été supprimés, 11 en 1992, 62 en 2008. Nous savons depuis longtemps que les conseils qui fonctionnent le moins bien sont les trop petits (mais y en a-t-il encore?) et les très gros…

Les difficultés rencontrées par les CPH y compris de taille moyenne portent souvent sur les effectifs de greffiers pour assurer les audiences. En effet, la division du CPH en 5 sections auxquelles il faut ajouter le préliminaire de conciliation obligatoire, les bureaux de mise en état , les éventuels bureaux de jugements restreints et référés a pour effet de démultiplier le nombre d’audiences.

23. Le nombre des conseillers prud’hommes est-il globalement trop élevé ? Le nombre de conseillers de chaque conseil est-il adapté à la charge d’activité ? Leur répartition entre les sections de chaque conseil est-elle pertinente ?

Il n’y a plus eu de consultation des CPH sur leurs besoins en nombre de conseillers depuis 1997.

Lors de la « réforme DATI », il a juste été indiqué qu’il ne serait pas touché au nombre global de conseillers. Les effectifs des conseils supprimés ont été pour l’essentiel ajoutés à ceux des conseils de rattachement, ce qui a évidemment créé pléthore de conseillers dans ces CPH..

A l’inverse, des conseils, non touchés par la réforme, n’ont pu obtenir les quelques conseillers dont ils ont besoin pour mieux fonctionner… Et les effectifs n’ont pas non plus été revus lors du renouvellement de 2018… ce qui fait que dans certains gros conseils, des conseillers ne siègent qu’une ou deux fois par an… s’ils ne se font pas remplacer dans ces occasions… La question est celle de leur disponibilité non seulement pour les audiences mais aussi pour trouver des dates communes pour délibérer.Bien sûr, la formation d’un conseiller qui ne siège pas ou pratiquement pas ressemble à ces formations informatiques qu’on donnait aux agents six mois ou plus avant de leur fournir un ordinateur…

Il faut donc, comme en 1992 ou 1997 notamment, consulter les juridictions concernées pour préparer le renouvellement de 2022.

La question de la suppression de la répartition des Conseillers par section remettrait en cause l’un des principes fondamentaux de l’institution à savoir être jugés par ses pairs. Et n’oublions pas trop vite les raisons qui ont conduit à la création de la section encadrement….

La composition et l’organisation des conseils de prud’hommes :

24. Le statut des conseillers prud’hommes est-il aujourd’hui satisfaisant ou peut-il encore être amélioré (indemnisation, moyens mis à disposition, notamment informatiques, obligation de formation initiale et continue, aide à la rédaction des jugements, par exemple avec des juristes assistants, déontologie et discipline…) ? Est-il de nature à garantir l’attractivité des fonctions ?

Le niveau d’indemnisation montre comment l’institution judiciaire considère les conseillers prud’hommes : ils sont payés bien en dessous du SMIC, quand les policiers réservistes qui font le contrôle despalais de justice sont payés bien au-dessus du SMIC…L’indemnisation des Conseillers pour leurs fonctions liées à la mise en état n’est toujours pas prise en compte depuis sa mise en place en 2016 et n’est donc pas considérée comme indemnisable. La révision du régime d’indemnisation apparait nécessaire pour tenir compte de la réforme et notamment de la mise en état. Il conviendrait de simplifier le régime d’indemnisation dont le traitement est chronophage pour le greffe.

Quant aux moyens informatiques, c’est une farce ! Après la mission ROSTAND, les CPH devaient être équipés de 7 ordinateurs pour le travail des conseillers. Plus d’un an après, on ne voit toujours pas l’ombre de ceux-ci…

Avant la réforme de 1979/80, les jugements des CPH étaient souvent rédigés par le greffier. A part quelques très rares endroits, ce n’est plus le cas aujourd’hui, même si le greffier a toujours un rôle important de relecture et de mise en forme. Les juristes assistants ne devraient même pas exister, il ne saurait être question de les introduire dans les conseils de prud’hommes.

La formation continue commune par l’ENM /ENG serait souhaitable

Enfin, le « statut » des conseillers n’a jamais été de nature à « garantir l’attractivité des fonctions », nous ne sommes pas dans la situation de magistrats professionnels !

25. Faut-il transformer les conseils de prud’hommes en juridictions échevinées, avec la participation systématique d’un magistrat professionnel à la formation de jugement, après la phase obligatoire de conciliation ? Cette évolution pourrait-elle faire l’objet d’une expérimentation ?

Non ! L’échevinage a d’ailleurs déjà existé en Alsace-Moselle, et il a été, justement, supprimé en 1983. Rien ne justifie d’y revenir ! L’échevinage n’apportera rien de plus si ce n’est un allongement des délais de traitement des dossiers.De plus, systématiser l’échevinage à effectif constant de magistrats ne peut qu’aggraver la situation.

26. Les conseils de prud’hommes doivent-il rester des juridictions autonomes ou rejoindre le « pôle social » des tribunaux de grande instance, tout en conservant leur composition particulière ?

Les CPH doivent être autonomes ! Les futurs « pôles sociaux » des TGI vont déjà avoir du mal à digérer l’intégration des TASS et des TCI, et l’on voit déjà comment ces « pôles sociaux » sont considérés dans l’institution puisqu’il est prévu que les magistrats qui y seront affectés seront soit des magistrats retraités, soit des magistrats recrutés à titre temporaire… Pourquoi imposer cela en plus aux CPH, qui ont déjà bien assez soufferts des réformes Macron et autres ?

La réforme des TASS et des TCI soulève déjà beaucoup d’interrogations de GRH, de moyens, d’organisation et de procédure. Inclure les CPH dans le pôle social apparaît être une vision conceptuelle sansaucunegarantie d’une amélioration (la seule amélioration sera celle des indemnités des chefs de juridiction des TGI).

27. Le greffe des conseils de prud’hommes doit-il rester autonome, sous la direction d’un directeur des services de greffe judiciaires, ou bien doit-il être regroupé avec le greffe du tribunal de grande instance ou du tribunal d’instance ? L’allocation des effectifs de fonctionnaires de greffe en matière prud’homale est-elle optimale ?

Le greffe doit évidemment rester autonome ! Le CPH est la juridiction la mieux identifiée par les usagers. Il n’y a donc pas lieu de la fondre dans une structure plus opaque !

Après la réforme de 1979/80, la gestion des CPH était d’autant plus efficace qu’elle échappait aux magistrats professionnels. Ainsi, lors de la première expérimentation du logiciel budgétaire Gibus où la cour d’appel d’Amiens était cour pilote, la gestion de Gibus avait été confiée aux chefs de greffe des CPH, et cela avait très bien fonctionné. Dans l’autre cour pilote, Rouen, cela avait été confié aux TGI sous la responsabilité des chefs de juridiction, et les collègues s’en sont plaints, mais la cour d’appel a fait remonter que tout allait bien…

C’est une difficulté récurrente dans notre institution, même quand ça ne marche pas, il faut dire que tout va bien, par crainte de passer pour un incapable… (cf. le conte d’Andersen sur les habits neufs de l’empereur…).

Depuis des dizaines d’années, des dizaines de rapports considèrent qu’il faut recentrer le juge sur ses missions, dire le droit, trancher les litiges, mais c’est toujours le contraire qui se passe !

En septembre 1990, le sénateur Jean ARTHUIS, rapporteur d’une mission sénatoriale sur la justice, déclarait : « le ministère de la Justice est extraordinairement centré sur lui-même, auto-administré, les magistrats ont toujours considéré qu’ils devaient prendre en charge eux-mêmes l’administration de leur ministère et qu’ils devaient tout à la fois être experts en relations humaines, en gestion financière, en informatique, en construction ou en programmation, autant d’exigences qui à chaque fois ont été des échecs retentissants… ».

Près de 30 ans plus tard, la situation n’a pas évolué, elle a même empiré : progressivement, le TPI (tribunal de première instance auquel tous les acteurs de terrain étaient opposés, en dehors des chefs de TGI pour des raisons de carrière) se met en place, les TI sont en passe d’être absorbés par les tribunaux de grande instance, et nul besoin d’être grand clerc pour imaginer les conséquences…

Tant que tout ça ne sera pas vraiment mis sur le tapis, toutes les discussions et élucubrations diverses ne seront que du pipi de chat…

La mise en place d’un TPI ne servirait qu’à « vider » les CPH de leurs effectifs pour les affecter aux TGI, comme cela sera le cas pour les TI malheureusement (à titre indicatif, la récente fusion des TI parisiens a permis de supprimer 19% des postes !). Les partisans les plus fervents du TPI ( à savoir les chefs de juridiction des TGI ) n’ont que cela en tête et se foutent éperdument du reste !!!

Par ailleurs, il convient de conserver un directeur de greffe interlocuteur privilégié du président et du vice-président du CPH dans le pilotage et la gouvernance de la juridiction et de consolider les effectifs de greffiers en élargissant leur mission d’assistance renforcée des conseillers.

28. Les modalités de la gestion de la juridiction prud’homale, partagée entre le ministère de la justice et le ministère du travail, sont-elles adaptées ou devraient-elles être revues ?

Sans oublier le ministère de l’agriculture… Sont-elles adaptées, sans doute pas, doivent-elles être revues, sans doute, mais cela ne peut se faire que dans le cadre d’une réelle concertation et non sur la base de présupposés faussés à la base… Nous rappelons, si besoin est, que le CPH est une juridiction judiciaire qui à ce titre doit relever dans son organisation et son fonctionnement du ministère de la justice.

29. De nouvelles prérogatives devraient-elles être confiées aux présidents des conseils de prud’hommes, aux présidents des tribunaux de grande instance ou aux premiers présidents des cours d’appel, pour leur permettre de faire face à des situations particulières ou pour améliorer le fonctionnement des conseils ?

Pour les présidents des conseils, nous ne savons pas lesquelles, hormis assouplir les modalités d’affectation des conseillers d’une section vers une autre section, mais pour les chefs de TGI ou de cour d’appel, cela ne peut être que non !

30. Outre les obligations de formation, comment améliorer les pratiques professionnelles des conseillers prud’hommes, en lien avec les magistrats professionnels ?

Diminuer le nombre de conseillers afin qu’elles/ils siègent plus souvent et acquièrent donc plus de pratique. De même, les échanges avec les magistrats de la chambre sociale et les échanges entre conseillers des CPH d’un même ressort sont des pistes.

Paris le 10 juillet 2018

 

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