Chantiers de la Justice, un seul objectif : supprimer des postes !

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Chantiers de la Justice

un seul objectif : supprimer des postes !

La garde des sceaux le nie, le directeur des services judiciaires ne veut pas l’admettre, mais pourtant c’est bel et bien l’objectif poursuivi. Comment croire que nous n’allons pas être concernés par le plan de suppression de 120 000 postes dans la fonction publique voulu par Macron ?

Le projet de loi de finances 2018 annonçait déjà la couleur : « 183 emplois sont économisés grâce à la poursuite de l’effort de déjudiciarisation et de simplification des procédures entrepris dans la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle (-115 ETP) et à la dématérialisation (-68 ETP) ». Or, déjudiciarisation, simplification et dématérialisation sont les objectifs poursuivis par les Chantiers de la Justice. Lalocalisation 2018 des emplois acte déjà la suppression de 82 postes dans les services judiciaires par rapport à 2017.

Pour démontrer que d’autres postes vont être supprimés, la CGT a sorti la calculette en consultant les localisations et l’étude d’impact faite par le ministère de la Justice à destination du Sénat (et mis en ligne par le Sénat, pas par le ministère). Démonstration :

* Les TI et CPH déjà victimes de suppressions de postes :

Depuis plusieurs années, ils subissent déjà des suppressions de postes au profit des TGI : 442 postes y ont été supprimés entre 2015 et 2018, dont :

=>118 postes de GEC supprimés. 96 postes l’ont été du fait de la « réforme » statutaire de 2015 (suppression des postes de DG dans les TI de moins de 13 agents et les CPH de moins de 10 agents), et 115 sont actuellement sur la sellette.Mais la DSJ admet qu’elle n’arrive pas à pourvoir les postes de B fonctionnels créés en remplacement: quel est le gain ?! On supprime des postes de A alors que dans le même temps le ministère lui-même constate que dans les services judiciaires, il y a en moyenne un encadrant pour 18 agents, alors que dans la Fonction publique d’État elle est de 1 pour 4… Il faudrait doubler le nombre de postes de directeurs pour parvenir à un taux d’encadrement convenable !

=>315 postes d’adjoints administratifs supprimés,soit les ¾ des postes supprimés sur la même période toutes juridictions confondues. Alors que, si on applique le ratio du nombre de placés par greffiers (1 pour 25) aux adjoints administratifs, il faudrait créer 200 postes d’adjoints administratifs placés !

* La fusion des TI va être l’occasion de nouvelles suppressions de postes :

Le projet de loi prévoit « la fusion du tribunal de grande instance et du tribunal d’instance. Lorsque le TGI et le TI sont situés dans la même ville, ils seront regroupés. Lorsque le TI n’est pas situé au siège du TGI, il deviendra une chambre détachée. » La raison invoquée est que l’organisation actuelle est « source de complexité » et que les spécificités de chacune des juridictions s’est brouillée avec le temps. Mais pourtant, le ministère argue que rien ne va changer ! Alors pourquoi faire cette réforme ? Pour des motifs budgétaires tout simplement.

De plus, le projet de loi de finances de 2018 indique que les TGI sont «la juridiction la plus en difficulté» et dont « les délais de traitement[…] augmentent sans paraître maitrisés», alors que dans les TI les délais de traitement sont bons. C’est donc aussi une opération de raccommodage qui va s’opérer : déshabiller Pierre pour habiller Paul.

Quelques chiffres sur les agents des TI (en postes localisés)

TI qui seraient fusionnés

TI qui deviendraient chambres détachées

TOTAL

Nombre de TI

164

121

285

Nombre de A

202

60

262

Nombre de greffiers

1 276

529

1 805

Nombre de SA

5

0

5

Nombre d’adjoints administratifs

1 109

459

1 568

Nombre d’adjoints techniques

28

6

34

Nombre total d’agents

2 620

1 054

3 674

Source : localisation des emplois 2018

La fusion TI/TGI risque d’être l’occasion de supprimer de nouveaux postes.La fusion des TI parisiens (22 sites) a déjà été l’occasion de suppression de postes, puisque de 198 postes localisés en 2017, le nouveau TI est passé à 160, soit 38 postes supprimés (19% des effectifs). Si on applique un minimum de 5% de suppressions aux effectifs des TI qui vont être fusionnés, ce sont au moins 200 postes qui sont menacés…

Les TI non fusionnés deviendraient des chambres détachées.Six chambres détachées existent déjà (Dôle, Guingamp, Marmande, Millau, St-Laurent-du-Maroni et St-Martin) mais leurs effectifs n’apparaissent pas dans la circulaire de localisation des emplois car ils font partie des effectifs de leur TGI… Si leurs effectifs ne sont pas figés, cela veut bien dire qu’il n’y aucune garantie sur les affectations des agents contrairement à ce qu’avance le ministère.

Le statut des chambres détachées est prévu par les art. R212-8 et suivants du COJ, créés en août 2014. Si un magistrat « chargé de la présidence de la chambre détachée » est bien prévu pour « administrer » (sic) la chambre détachée, rien n’est dit concernant le greffe…

L’article R212-18 du COJ prévoit une certaine souplesse, forcément appréciée par le ministère : « Toutefois, la compétence matérielle des chambres détachées peut être limitée par décret, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, appréciée notamment au regard du nombre d’affaires civiles et pénales relevant du ressort de la chambre détachée, de la distance orthodromique entre la chambre détachée et le tribunal de grande instance de rattachement et du nombre de magistrats du tribunal de grande instance. » Ainsi, les présidents des TGI décideraient de la répartition des contentieux entre les chambres détachées, certaines pourraient être spécialisées, ce qui entrainera un manque d’uniformation sur le territoire national.

Pour tenter de rassurer les agents, le directeur des services judiciaires promet de revenir sur le mode trop souple de délégation prévu par le décret de 2017. Mais que vaut la parole d’un simple directeur quand on sait que le protocole signé par le président Hollande avec les SPIP n’a même pas été respecté…


* Plusieurs domaines des compétences des TI sont visés pour permettre des suppressions :

=> la création d’unejuridiction nationale de traitement dématérialisé des injonctions de payer. En 2016, le traitement des IP mobilisait 202 ETPT. D’après le ministère, la centralisation permettrait un « gain de l’ordre de 185 ETPT »!! Ces ETP, après ceux pour les PACS ou le tribunal de police (respectivement 117 et 150 ETP en 2016), seront donc supprimés sur l’ensemble des TI du territoire pour être redéployés, et on peut le penser en moins grand nombre, dans une seule juridiction qui traitera les IP de façon dématérialisée. Quelle juridiction sera « désignée » ? Quels effectifs attribués ? Mystère !

=>les régies, après avoir subi de précédents coups durs, vont de nouveau être impactées : la gestion des sommes consignées dans le cadre des expertises (plus de 43 000 expertises ordonnées dans les TGI en 2017) et la gestion des fonds des saisies rémunérations (140 ETPT pourraient être économisés selon le ministère) seront confiées à la caisse des dépôts et consignations. Les 285 postes de régisseurs existant dans les TI en seront impactés;

=>la vérification des comptes de tutellesne serait plus du domaine du directeur de greffe (encore une compétence enlevée aux GEC), ce qui permettrait d’économiser15 ETPT d’après le ministère;

=> concernant la médiation, le ministère est transparent, elle doit permettre de « diminuer la charge de travail des juridictions ». Or si on diminue la charge de travail, on supprime des postes ! OutilGREF est là aussi pour ça…

=>la déjudiciairisation ou la suppression de contentieux permettra également de supprimer des postes :20 ETP si on déjudiciarise la fixation des révisions des pensions alimentaires, 53 en supprimant la conciliation des divorces, 24 en supprimant les apostilles, etc…

Bref, en appliquant ces chiffres dans une logique purement comptable on arrive à plus de 450 postes supprimés.

* Les usagers du service public de la Justice laissés pour compte :

Les suppressions de postes auront bien évidemment un impact sur les usagers, contrairement à ce que veut nous faire croire la garde des sceaux, car moins d’effectifs cela veut dire une augmentation des délais de traitement, et donc des attentes de plus en plus fortes.

Au delà il y a également la fracture numérique induite par la dématérialisation à tout va. Dans son récent rapport, le défenseur des droits indique que :« Le mouvement de dématérialisation des services publics,qui se traduit par des prestations parfois exclusivement accessibles par Internet, peut compromettre le principe d’égalité aux services publics, en particulier pour les personnes qui en ont le plus besoin. La progression continue des services administratifs en ligne ne doit pas venir renforcer des facteurs d’inégalité déjà existants, en devenant un vecteur supplémentaire de précarisation et de non recours aux droits, et ce sous peine d’institutionnaliser une forme de discrimination liée à la précarité économique ». Cela accentuera donc les attentes des usagers avec un impact important pour les accueils.

*Un impact néfaste sur les conditions de travail des agents :

Les agents des TI, du fait des suppressions de postes, de la suppression de leurs juridictions et de certains services, vont connaître unaccroissement de la charge de travail, mais aussi vont subir une réorganisation de leurs services.A cela, il faut ajouter la départementalisation des TGI avec la création de pôles spécialisés ainsi que le risque d’une prochaine suppression des CPH qui pourrait se profiler dans les années à venir.

Et tout ceci, alors que la médecine de prévention et les inspecteurs santé et sécurité au travail constatent une dégradation inquiétante des conditions de travail des agents qui génère des tensions, une déstabilisation du fait des modifications importantes de l’environnement professionnel et une modification des organisations de travail insuffisamment anticipée.

Les chiffres de l’année 2016 dans les services judiciaires donnent le frisson :

=> 19 jours d’absence par agent, contre 16,6 dans le privé ;

=> 58% des agents ont été en arrêt maladie, contre 38% dans l’industrie et le BTP ; => l’absentéisme est de 8,4%, contre 3,9% dans les entreprises de plus de 50 salariés.

Quel sera l’accompagnement pour nos collègues impactés par ces différents changements ? Il est évidemment nécessaire que les CHSCT soient consultés à ce sujet, même si la fonction publique envisage la suppression de ces derniers, et que les représentants des organisations syndicales soient véritablement consultés.

Bref, la situation est alarmante pour tousles agents des services judiciaires. Car oui, nous serons toutes et tousimpacté.e.s par les réformes à venir !

Paris le 22 mai 2018

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