Déclaration liminaire à la CAP des greffiers du 14 mai 2024

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Déclaration liminaire

Commission Administrative Paritaire du 14 mai 2024

Après le drame de la semaine dernière, nous souhaitons adresser notre entier soutien à nos collègues de Valenciennes ainsi qu’à la famille de ce greffier qui, désespéré et acculé, a tenté de mettre fin à ses jours pour abréger sa souffrance quotidienne. À tel point que celui-ci a décidé de commettre son acte sur son lieu de travail.

Nos pensées accompagnent également la collègue qui lui a sauvé la vie. Combien de suicides et/ou de tentatives de suicide faudra-t-il à Valenciennes pour que l’administration daigne réagir ?

« Ils m’ont broyé ! ». Ce sont ses mots. Combien de vies sacrifiées avant de « traiter » les agents autrement que comme des pions ?

Depuis plusieurs années, notre organisation syndicale compare les greffières et les infirmières – pour mieux dénoncer ce que vivent quotidiennement les collègues en juridiction – et le ministère décide d’enfoncer le clou et de consacrer cette analogie. Après les « cadres infirmiers », sans honte et sans cynisme, il nomme sa pseudo réforme statutaire « cadre greffier ». Certes, le rapprochement est opportun puisque ces deux professions sont en souffrance sur l’ensemble du territoire national…

Défaut d’attractivité, conditions de travail dégradées, rémunérations insuffisantes, augmentation des cadences, injonctions statistiques, distinction entre l’autorité hiérarchique et fonctionnelle, on ne compte plus les points communs entre la justice et la santé. Et comme dans les hôpitaux, un phénomène inquiétant progresse au sein des services judiciaires, une maladie nosocomiale se développe dans nos tribunaux. Si son ampleur est peu comparable à celle que l’on diagnostique déjà chez les soignants, les suicides et tentatives de suicide sont une gangrène qui s’étend chez les agents du greffe et nous tenons les comptes : 17 en l’espace de 3 ans.

Si cette vague qui frappe notre direction depuis plusieurs années continue à s’intensifier c’est tout simplement parce que l’administration reste sourde à nos signaux d’alerte. C’est parce que, comme pour les soignants, la perte de sens est devenue manifeste et insupportable.

Assurant une mission d’intérêt général, avec un haut sens du service public, un engagement marqué et une conscience professionnelle renforcée, nos collègues se trouvent dans l’incapacité de répondre aux besoins et attentes des usagers et aux exigences et objectifs de leurs supérieurs en raison de l’incurie de l’administration, des injonctions contradictoires, des logiciels désuets et des réformes politiques. C’est cette fatalité, cette disproportion entre l’importance de nos actions et l’incapacité matérielle à les accomplir qui cause notre souffrance !

Mais face à cette réalité, certains comportements sont tout simplement impardonnables.

Que le gouvernement projette la destruction totale du statut des fonctionnaires et du service public, et troque l’intérêt général contre les intérêts particuliers d’actionnaires et de patrons avides de profit, il n’y a rien d’étonnant à cela même si on s’y oppose avec détermination. Qu’attendre de plus d’un pouvoir néolibéral ?

Que l’administration, qui travaille à mettre en œuvre la politique du gouvernement, applique loyalement pour ne pas dire aveuglément et de mauvaise foi ce funeste projet, faisant fi des conséquences néfastes pour les missions qui sont pourtant également les siennes, nous arrivons à le concevoir même si cela n’a aucun sens et que nous n’avons de cesse de le dénoncer et d’y résister.

Ce que en revanche nous ne pouvons pas comprendre, c’est que des agents, disposant d’un minimum de pouvoir, d’une relative autonomie dans leurs actions, d’une certaine marge de manœuvre ou d’appréciation, décident délibérément de s’en prendre à leurs collègues, d’appliquer un management malveillant et inhumain, de faire preuve d’autoritarisme à la moindre occasion. Stigmatisation, pression statistiques, culpabilisation, chantage aux congés, mutations d’office, deviennent le quotidien de nombreux agents. Ce qu’ils font constitue du harcèlement moral. Il est indispensable de condamner ces pratiques et de former les managers, les encadrants, les gestionnaires et les responsables RH pour que cela cesse immédiatement, et pas seulement parce que ces faits constituent autant d’infractions pénales sanctionnées par le législateur.

Comment expliquer que des agents qui partagent pourtant quotidiennement tout ce qui ne va pas au sein de notre institution en arrivent à adopter de tels comportements à l’égard de leurs semblables ?

Pour paraphraser Shakespeare, « il y a quelque chose de pourri au royaume » de la Justice, machine à broyer mais aussi machine à créer des tyrans. Si cela ne concerne évidemment qu’une minorité de directeurs – qui sont peut-être eux mêmes en souffrance – ce sont des centaines de collègues qui subissent ces agissements. Dans l’intérêt de toutes et tous, il est grand temps de réagir.

L’institution doit prendre ses responsabilités et des exemples récents nous démontrent que le chemin sera fastidieux et la bataille, loin d’être gagnée.

Le manque accru de reconnaissance des agents est également lié aux nombreuses difficultés rencontrées lors de leur entretien annuel d’évaluation. De plus en plus souvent, la CAP doit se prononcer sur les recours CREP et il n’est pas rare de constater le manque de professionnalisme dans cet exercice en raison du défaut de formation des encadrants en la matière. Pourtant, l’évaluation, ô combien importante pour les agents, est souvent la seule forme de reconnaissance. Les directeurs, complètement sous l’eau, sont parfois hors des clous niveau délais. Certains agents sont évalués la veille de la clôture d’ESTEVE, plate-forme ouverte uniquement sur la période d’évaluation prévue par la circulaire ce qui pose des difficultés pour former leurs observations et pour signer leur évaluation. Tout doit être fait dans l’urgence, sans respect des textes, alors même que tout retard leur sera évidemment opposé.

Nous souhaitons enfin mettre en lumière le cas de notre collègue greffière qui, après s’être battue pour obtenir sa mutation, sur un poste non-pourvu malgré les avis favorables et publié à deux reprises, s’est vue notifiée cinq jours avant de quitter sa juridiction, une décision prise trois jours plus tôt, qui annulait purement et simplement sa mutation. Il n’était même pas question de la reporter. L’administration centrale, prêtant une oreille attentive au chant des sirènes d’un chef de juridiction ou d’un DDARJ trop inquiet de voir partir « une seule et unique greffière de son précieux dispositif JO », a jugé opportun d’annuler la mutation d’un agent qui avait déjà dénoncé son bail, loué un nouvel appartement, financé son déménagement, acheté ses billets de trains, et ça moins de 2 semaines avant sa prise de poste.

Outre le mépris pour le SAR qui devait l’accueillir, difficile de ne pas qualifier de malveillant un tel comportement délibéré à l’égard de l’une de nos collègues. Si heureusement, ici une solution a été trouvée, combien d’agents ont connu des situations similaires sans qu’aucune organisation syndicale n’en soit informée et ne puisse intervenir ?

Nous serons évidemment vigilants sur ces sujets et nous ne pouvons qu’encourager les collègues à saisir notre syndicat s’ils se retrouvaient dans une telle situation d’insécurité personnelle et de violences psychologiques.

Vos Élues CAP CGT SJ

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