Déclaration liminaire au CTM du 25 novembre 2020

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Monsieur le Ministre, Garde des Sceaux,

Madame la Secrétaire Générale,

Voilà neuf mois que nous vivons au rythme des errances de ce gouvernement et que vous vous appliquez à suivre pour une gestion catastrophique de la crise sanitaire. Et ce confinement 2.0 en mode low-cost que nous subissons actuellement en est la parfaite illustration. En effet, malgré un empilement de notes, rien n’est mis en place pour une véritable protection des agents et du public.

Et que dire de votre conception du dialogue social quand depuis neuf mois, ces notes sont présentées pour avis, aux organisations syndicales à posteriori de leurs diffusions et mises en applications, quand elles le sont ? Car oui, vos administrations sont de véritables forteresses, des baronnies où chacun est maître en son domaine, et peu importe ce qui est dit au-dessus. Cette vision autocratique du pouvoir se traduit alors tout au long des chaînes hiérarchiques des quatre directions de ce ministère.

Par contre, l’agent de « base », lui, a plutôt intérêt à obéir et suivre les directives et tant pis pour les injonctions paradoxales. Quant aux droits des agents, bah ils ont d’abord des devoirs, non ?

Tout le monde au pas, sinon pas de prime ! Car la voici la baguette magique de l’obéissance, un fin dosage entre peur distillée par une violence institutionnelle constante, et primes distribuées au petit bonheur la chance.

 

D’ailleurs, vous comptez assurément sur ces principes pour faire appliquer la réforme de la justice des enfants.

Déjà en matière de « dialogue social », l’attitude et les méthodes de la PJJ sont bien éloignées d’une construction participative avec les représentants du personnel. Pour rappel, le CJPM a fait l’objet d’une unique audience bilatérale par OS avant sa présentation au Comité Technique PJJ où quatre des cinq organisations syndicales ont voté contre. Le scénario s’est reproduit au CTM.

Et maintenant, voilà que vous présentez la partie réglementaire d’un code qui sera débattu mardi prochain par l’Assemblée Nationale. L’argumentaire répété inlassablement comme un mantra par la DPJJ est qu’il faut présenter un projet complet (lois + réglementation) aux parlementaires et être prêt pour le 31 mars.

Vaste farce que ceci ! Vous avez été incapables de présenter à ce CTM un document tenant compte des amendements pris au CT PJJ, il y a 8 jours ! Pourtant rien que la CGT avait présenté 82 amendements dont 64 ont reçu un vote majoritaire et 7 non pas été soumis au vote, et 24 remarques de fond. Au final le texte a reçu l’opposition de 3 des 5 syndicats, représentants plus de 70% des agents de la PJJ, principale administration impactée par cette réforme. Et rien ! Pas de suite ! Cela démontre le peu d’intérêt que vous portez à cette instance et donc à la parole des agents.

Alors nous vous posons solennellement la question : la séquence de ce jour permettra-t-elle véritablement et pleinement de porter des modifications à ce texte ou pas ? Ce CTM que vous avez voulu coûte que coûte maintenir avant le débat parlementaire, aboutira-t-il oui ou non à la transmission d’une version consolidée, tenant compte de nos amendements de ce jour, aux parlementaires qui doivent déposer leurs amendements demain, vendredi 27 novembre, dernier délai ? Ou pas ? Répondez honnêtement sans langue de bois par un simple oui ou non !

 

Et si vous êtes incapables en 8 jours de présenter un texte consolidé, à qui voulez-vous faire croire que vous pourrez présenter ce vendredi, demain, la partie réglementaire aux députés de la commission des lois que vous rencontrez monsieur le ministre ?

Nous pourrions rire de vos facéties si elles n’avaient pour conséquence un tel déni de démocratie, une telle insulte à la représentation des agents de ce ministère. Vos méthodes sont celles des barbouzes, passage en force, mensonge et pourrissement du terrain.

Car au-delà de la forme, détestable, il y a le fond de cette réforme qui vient gommer le versant éducatif et si particulier de la justice des enfants en distillant insidieusement toujours plus de contrôle et de probation. La translation totale sans adaptation du « Bloc peines », encore sans concertation, du droit des majeurs dans celui des enfants en est la preuve. La réforme que vous devez porter aujourd’hui est celle de technocrates pour des technocrates ne voyant que les chiffres sans aucune connaissance ni de la réalité du terrain et de ses manques d’effectifs, de moyens techniques et logistiques. Mais aussi ignorant le sujet même sur lequel ils doivent écrire, à savoir l’enfant, l’enfant en danger, l’éducatif. Ignorant et si sûr de leur savoir qu’ils n’ont demandé conseil qu’à des personnes éloignées de la réalité. Voyez-vous, l’éducatif, surtout d’un enfant abîmé, prend du temps, et ce temps doit être l’attribut du juge et rien que du juge. Créer une relation, un lien de confiance permettant la confidence de l’intime, la compréhension, l’analyse de la situation, l’élaboration de propositions alternatives, les essayer, voilà ce qu’est le travail éducatif, et cela ne se décrète pas sur ordonnance judiciaire, cela se construit avec du temps. Alors vous pouvez vous vanter autant que loisir d’avoir gardé les grands principes constitutionnels sur l’enfant de justice sauf que vos mots sont creux, vidés de leurs sens et de leur consistance confrontée au réel des délais imposés par votre nouvelle procédure.

Nous terminerons sur un dernier exemple de la vision que vous et les vôtres avez de ces enfants en danger : l’excuse de minorité peut si facilement être retirée, tout comme le discernement peut être accordé à un enfant de moins de 13 ans pour qu’il reçoive une condamnation pénale.

Monsieur le ministre apprenez que les enfants en danger, ne sont pas si éloignés de vos, nos enfants. Ils ont en plus, en moins, très souvent une précarité sociale, financière, parfois familiale, émotionnelle, affective. Ils ont des carences qui les ont rendus trop fragiles pour appréhender sans un soutien et un accompagnement régulier les affres de la justice.

Alors, il est encore temps monsieur le ministre, de faire machine arrière, d’entendre le cri d’alarme de l’ensemble des professionnels concourant à la prise en charge de ces enfants : retirez ce texte, revenez discuter d’une vraie réforme pour les enfants. Reculez sur ce texte ferait de vous un ministre courageux, un ministre visionnaire qui considère que se préoccuper de la jeunesse même fragile, c’est se préoccuper de l’avenir de la société dans son ensemble

 

Mais nous doutons que vous en ayez même la possibilité, tant notre demande est éloignée du virage ultra sécuritaire que prend le gouvernement dans lequel vous êtes.

 

Nous ne pouvons conclure sans réaffirmer notre TOTALE opposition à la loi scélérate sécurité globale digne de l’extrême droite. Mais quand le capital a peur, il se réfugie derrière les restrictions générales des libertés individuelles pour remplacer le citoyen en sujet, obéissant et silencieux.

 

La CGT refusant cette dérive appelle tous les agents à rejoindre les différentes mobilisations d’opposition partout en France.

Dont celle du 1er décembre pour promouvoir une autre justice des enfants.

 

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