Déclaration liminaire au CTSJ du 19 novembre 2019

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Le congrès de la CGT des chancelleries & services judiciaires s’est tenu du 7 au 11 octobre dernier, à l’issue duquel la direction du syndicat a connu quelques changements. Suite à la transmission de ces changements à nos différents interlocuteurs au sein de l’administration, des félicitations ont été transmises, certainement aussi sincères que la présentation du budget du ministère de la justice, nous n’en doutons pas.

Nous profitons donc de cette déclaration liminaire pour rappeler le plus officiellement possible que les changements intervenus à la direction de notre syndicat n’ont modifié de quelque manière que ce soit, aussi bien nos revendications que la manière de les porter.

C’est pourquoi il n’est pas inutile de réaffirmer que, au regard de l’absence de changement dans les objectifs de casse du service public de la justice et des méthodes pour y parvenir, nous refusons toujours de participer à quelque réunion bilatérale aussi bien avec la ministre qu’avec le directeur des services judiciaires.

Le 31 octobre dernier, le gouvernement se mettait en scène à Bobigny, avec entre autres, le premier ministre et la ministre de la justice. L’objet en était l’annonce de mesures pour renforcer le service public, dont celui de la justice, en Seine-Saint-Denis.

Cette mise en scène s’est accompagnée d’une répression sans précédent, tellement les aspirations sociales et la contradiction sont insupportables à ce gouvernement, puisque le secrétaire général de la CGT 93 a été embarqué, placé en garde à vue toute la journée puis convoqué devant le tribunal correctionnel pour de soit-disant violences qui auraient valu plus de 8 jours d’ITT à un agent de police. De l’art de manipuler et retourner une situation (il suffit de visionner les vidéos) et d’ajouter la répression policière et judiciaire à la violence sociale !

Tout ça pour des effets d’annonce et du réchauffé :

– nous ne savons pas quelles seront les conditions précises pour que les agents perçoivent les 10 000 euros au bout des 5 ans, ni même si les agents du ministère de la justice sont bien concernés ; et nous nous demandons si cette somme est bien suffisante pour réparer les burn-out et les vies personnelles mises à mal

– nous ne savons pas dans quels délais interviendra la promesse osée de création de 35 postes de greffiers, ni s’il s’agit de postes pérennes, en soulignant qu’il aura fallu une dizaine d’années pour qu’une trentaine de postes supplémentaires soient localisés  ;

– si les travaux annoncés ne sont pas nouveaux, la date de 2026 pour la fin de leur réalisation vient bousculer un calendrier déjà serré, à l’heure où des travaux annoncés, eux, depuis 2011 n’ont toujours pas commencé…

Le dossier de presse vient d’ailleurs illustrer ce que nous écrivions plus haut concernant l’absence de dialogue social, l’absence de respect des engagements pris et, par là même, des organisations syndicales. Alors que lors d’une réunion à la cour d’appel de Paris le 2 octobre dernier, nous étions informés qu’aucune chambre de proximité ou tribunal de proximité ne verrait son périmètre modifié, il semblerait que la garde des sceaux avait plutôt à coeur de mettre en avant sa réforme. Il est ainsi indiqué que, « à titre d’exemple, cela pourrait se traduire par la création d’une chambre de la famille à Saint-Denis » (il va donc falloir de plus grands locaux à Saint-Denis) « ou par une délocalisation des audiences correctionnelles à juge unique » (ce qui ne libérerait que peu de locaux au TGI…)

Dans l’immédiat, nous sommes surtout inquiets du fait de la méconnaissance des lois et règlements, qui sont tout aussi maltraités que les personnels. Etre guidé par la défiance à l’égard des agents conduit rarement aux bonnes décisions ni aux décisions justes.

Soit les fonctions occupées ne sont pas adaptées, soit le besoin de formation est important : il y a bien des textes, et même européens, qui interdisent de travailler plus de 8 jours consécutifs, puisque le maximum est de 7 jours consécutifs ; il y a aussi des textes qui interdisent de travailler plus de 10 heures par jour, ceux-là sont rarement respectés dans certains services et la direction ne met rien en œuvre pour que ces textes soient respectés ; et même plus, il n’y a aucune reconnaissance ni souplesse envers les collègues qui auront fait preuve, eux, d’une souplesse qui porte atteinte à leur santé en travaillant au-delà de ces 10 heures ; etc.

Il y a là un levier important et urgent pour limiter un tant soit peu la souffrance au travail à Bobigny mais aussi pratiquement dans toutes les juridictions.

Nous n’en sommes pas encore à la formulation des vœux pour la nouvelle année mais celle-ci s’annonce très rude et cela fait bien longtemps que nous ne croyons plus au père noël. Entre la loi de programmation pour la justice et la loi de transformation de la fonction publique, la violence du gouvernement à l’égard des fonctionnaires prend un tournant sans précédent. La RGPP et la MAP avaient déjà ouvert les hostilités, mais la loi d’août 2019 pourrait s’intituler « Chronique d’une mort annoncée pour les fonctionnaires ».

La CGT entend réaffirmer son opposition à ce texte qui contourne le statut de la fonction publique, garant de la neutralité du service rendu et de l’égalité des droits des personnels mais aussi des usagers. Elle va également réduire les capacités des organisations syndicales à défendre collectivement les droits des agents publics en termes de carrière et de santé et sécurité au travail par l’affaiblissement des commissions administratives paritaires (CAP) et la suppression des comités d’hygiène, sécurité et conditions de travail (CHSCT). Cette loi va encourager et accentuer la précarité avec des contrats à durée déterminée non renouvelables, ne permettant ni l’accès au CDI, ni à la titularisation. Enfin, les différents outils dits « de ressources humaines » contenus dans cette loi comme la rupture conventionnelle ou le détachement d’office pourraient être utilisés pour pousser les fonctionnaires à quitter la fonction publique ou pour les obliger à suivre leurs missions concédées au secteur privé.

Comme nous le dénoncions dans notre déclaration au CT ministériel du 13 novembre dernier, la stratégie gouvernementale du mensonge préside à la politique de communication du ministère de la justice ! Nous avons effectivement l’impression de relire en permanence le conte d’Andersen sur les habits neufs de l’empereur et de devoir réaffirmer à chaque fois que l’empereur est nu !

La présentation du projet de loi de finances pour 2020 pour la justice s’inscrit pleinement dans cette stratégie de la manipulation et du mensonge. Oser valoriser l’implantation des SAUJ dans les juridictions et écrire que « le justiciable peut se rendre dans n’importe quelle juridiction et disposer des informations sur son affaire même si celle-ci est en cours dans un autre ressort » ne manque pas de sel et pourrait prêter à rire si ce n’était aussi grave !

De même, manipulation encore concernant la présentation des effectifs dans le projet de loi de finances pour l’année 2020, pour laquelle une confusion flagrante – et pour cause – est faite entre création d’emplois et remplacement de postes vacants.

La mise en place du RIFSEEP, qu’il s’agisse de l’IFSE ou du CIA, ne fait que conforter notre totale opposition à ce régime indemnitaire.

Paris, le 19 novembre 2019

Mise en Ligne