Directeurs : pour une autonomie de gestion

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Audition par le CADEJ

Directeurs : pour une autonomie de gestion

Notre syndicat, le plus représentatif (et de loin !) au sein du corps des directeurs des services de greffe judiciaires (DSGJ), a été entendu le 28 juin par deux magistrats du CADEJ (Cycle approfondi d’études judiciaires) organisé par l’ENM sur les attributions et le rôle du directeur de greffe.

Le corps des greffiers en chef (GEC) /DSGJ a été fortement impacté par la contre « réforme statutaire» de 2015 puis par la fusion des juridictions de 2020.

La « réforme » de 2015 a entrainé de nombreuses suppressions de postes dans les petites et moyennes juridictions. En 2015, 380 postes étaient ciblés « à supprimer » dans les TI de moins de 12 agents et dans les CPH de moins de 9 agents. En 2019, 124 postes l’avaient été. De façon systématique, le corps des DSGJ continue de diminuer : selon un document de la DSJ, en 2017 il n’y avait plus que 1 604 postes de directeurs localisés (à opposer aux 1 789 GEC en fonction en 2013). Rappelons que lors d’une réunion à Paris, lors de la présentation de la réforme statutaire, un représentant de la DSJ avait lâché qu’au final il y aurait 500 postes supprimés… Lors des présentations de cette réforme en province, le ministère avait annoncé que ces postes seraient redéployés dans les TGI : en lieu et place, ce sont des postes d’attachés qui ont été créés (75 postes).

Avec la suppression de nombreux postes dans les ex tribunaux d’instance et les conseils de prud’hommes (CPH), les collègues en sortie d’école n’ont plus la possibilité d’être nommés sur des postes de directeurs de greffe (DG), où ils apprennent l’autonomie dans la gestion mais se retrouvent désormais « simples » chefs de service dans de véritables usines à gaz, notamment depuis la fusion des juridictions. La fusion des juridictions a fait perdre beaucoup d’autonomie et d’intérêts aux fonctions (ainsi que la NBI) aux collègues qui se retrouvent « simples » maillons de chaîne.

En 2014, la CGT a dû se battre à la même période pour que les fonctions juridictionnelles des GEC restent inscrites dans le statut, alors que l’UNSA-SJ cherchait au contraire à faire supprimer ces fonctions. Sans la combativité de la CGT, c’en était fini de la particularité de ce corps ! Le maintien des fonctions juridictionnelles pour les DSGJ est essentiel car il garantit notre connaissance du fonctionnement des services. Nous avons pu constater, avec la création des postes de A fonctionnels, l’arrivée d’attachés qui, quelles que puissent être leurs compétences par ailleurs, ne connaissaient rien au fonctionnement des juridictions, ce qui n’a pas manqué d’entraîner de nombreuses difficultés. Le tout au profit des chefs de juridiction, permettant encore plus d’asseoir leur pouvoir.

La « réforme de 2015 » a également transformé des postes de DG en postes de fonctionnels créant un fort déséquilibre dans le fonctionnement des juridictions. Les DG fonctionnels sont éjectables à tout moment, alors que les présidents de juridiction sont inamovibles et nommés sur proposition du CSM. De plus, les DG sont nommés sur proposition des chefs de juridiction et sans transparence, depuis bien avant la perte de la mobilité par les CAP. Les DG se trouvent dans une situation de « soumission » et certains ont déjà été dégagés…

Les demandes de détachement ont explosé chez les directeurs. Si entre 2013 et 2015, seuls 5 GEC étaient partis en détachement dans le corps des attachés du ministère de la Justice, ils étaient 14 DSGJ en 2016 et 20 en 2017 ! Entre 2014 et 2019, les détachements pour les A au sein de la DSJ ont augmenté de 720% ! La création des 75 postes d’attachés comme chefs de cabinet des chefs de juridictions n’y est pas pour rien mais ce n’est pas le seul facteur. Le corps des DSGJ n’est plus la voie naturelle de débouché pour les greffiers. Le ministère l’a lui-même constaté en 2019 : 16% des greffiers arrivés avant 1990 étaient devenus GEC 10 ans plus tard, ceux arrivés entre 1990 et 2008 n’étaient plus que 7%. Il y a de moins en moins de candidatures pour les promotions de B (greffiers) en DSGJ au choix, et les promotions au choix dans le grade de directeur principal ne trouvent plus preneurs.

Quelle place pour les DSGJ ? En plus des attaques portées contre le statut, il faut également voir les attaques portées sur les fonctions avec la main-mise de plus en plus forte des magistrats sur le greffe avec le déploiement des magistrats coordonnateurs de service et la fusion des juridictions. Autant d’occasions d’isoler les directeurs dans leurs fonctions de gestion. D’ailleurs, le 11 juillet 2018, la garde des sceaux avait déclaré qu’il fallait faire du magistrat un chef d’équipe entouré de greffiers : quelle place alors pour les directeurs ?

Si certains syndicats ont complètement lâché le corps des directeurs, ce n’est pas notre cas. Voici nos revendications :

Pour un pouvoir exclusif des directeurs : Pour nous, c’est clair : aux magistrats de dire le droit, trancher les litiges, aux directeurs de gérer ! Le sénateur ARTHUIS, rapporteur de la mission sénatoriale HAENEL/ARTHUIS déclarait en septembre 1990 : « Le ministère de la justice est extraordinairement centré sur lui-même, auto-administré, les magistrats ont toujours considéré qu’ils devaient prendre en charge eux-mêmes l’administration de leur ministère et qu’ils devaient tout être à la fois experts en relations humaines, en gestion financière, en informatique, en construction ou en programmation, autant d’exigences qui à chaque fois ont été des échecs retentissants ».

Alors que de nombreux rapports, depuis des décennies, confirment qu’il faut recentrer le magistrat sur ses fonctions (pour notamment pouvoir le décharger sur les greffiers), il serait également bon de se rappeler ces propos du sénateur ARTHUIS et de chercher à retirer aux magistrats leurs fonctions administratives ou budgétaires. Aussi, nous demandons (notamment) la suppression des MDE (magistrats délégués à l’équipement) restant pour que leurs fonctions soient confiées aux RGPI (responsables de la gestion du patrimoine immobilier) ou aux techniciens immobilier. Comme dans les hôpitaux, les directeurs doivent assurer pleinement les fonctions budgétaires et administratives des juridictions. Enfin, les DDARJ (directeur délégué à l’administration régionale judiciaire) doivent être les uniques responsables gestionnaires régionaux. Les textes (R123-3 et R123-4 du COJ) sont assez flous et donnent actuellement trop de latitudes aux chefs de juridictions.

Rappelons que dans les CPH, le contrôle des présidents et vice-présidents est seulement (maintenant pour les 13 CPH autonomes survivants) a posteriori, donnant une autonomie plus grande aux DG des CPH, qui sont d’ailleurs également les chefs de service au sens Santé et Sécurité au Travail. Ce fonctionnement avait montré son efficacité, il était donc tout à fait possible de l’élargir à l’ensemble des juridictions, c’est donc pour cela qu’il fallait qu’il soit supprimé !

Nous demandons également que la présidence des bureaux d’aide juridictionnelle (BAJ) soit confiée aux directeurs, comme le proposait le rapport DELMAS-GOYON de 2013. En effet, la décision d’attribuer ou non l’aide juridictionnelle est un acte administratif et non un acte juridictionnel. C’est une décision administrative issue d’une analyse de la situation économique et sociale d’un demandeur, dans le respect des conditions imposées par les textes réglementaires.

Positionnement : Les directeurs doivent être les seuls encadrants des agents. La volonté de main mise des magistrats sur les agents doit cesser et chacun doit pouvoir exercer son cœur de métier.

Une revalorisation indiciaire conséquente : Lors de la réforme statutaire, la grille des directeurs n’a connu qu’un ajustement sur le 1er échelon, et surtout la dégradation de sa grille avec la création d’un 3e grade apte à retarder l’évolution de carrière. La grille doit repasser sur deux grades pour permettre aux directeurs d’avoir une évolution de carrière linéaire.

Les directeurs doivent bénéficier d’une revalorisation indiciaire basée sur la base revendicative établie par la CGT : entrée à 1,6 SMIC et fin de carrière à 3,2 SMIC.

Sur les repyramidages : Notre revendication principale en la matière, depuis le protocole d’accord du 1er décembre 2000 et les négociations statutaires ayant amené la réforme de 2003, demeurait le passage de l’ancienne 1ère catégorie en hors échelle B et de l’ancienne 2ème catégorie en hors échelle A, ainsi que cela avait été acté par l’administration dans le rapport d’étape du 5 avril 2001, il y a 20 ans déjà.

La création de 3 postes en HEB bis (directeurs du GTJ Paris, du TJ Bobigny et de l’ENG Dijon) constitue certes une avancée, mais nous sommes globalement loin du compte.

RÉSUMÉ DES REVENDICATIONS DE LA CGT :

=> pouvoir exclusif pour les directeurs de leurs responsabilités et attributions, les magistrats devant être recentrés sur leurs missions de dire le droit et de trancher les litiges ;

=> ouverture de discussions sur la gouvernance des juridictions ;

=> une revalorisation indiciaire conséquente sur la base revendicative de la CGT ;

=> passage en hors échelle B pour l’ancienne 1ère catégorie et en hors échelle A pour l’ancienne 2ème catégorie ;

=> suppression du statut d’emplois de greffier fonctionnel.

(voir notre bilan sur la réforme statutaire : https://cgt-justice.fr/reforme-statutaire-de-2015-ou-en-sommes-nous-5-ans-apres/ )

Paris le 9 Juillet 2021

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