« Réforme statutaire » de 2015 : où en sommes nous 6 ans après ?

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« Réforme statutaire » de 2015 :

où en sommes nous 6 ans après ?

Nous avions déjà fait plusieurs points sur la « réforme statutaire » de 2014/2015 auxquels nos collègues peuvent se reporter :

https://cgt-justice.fr/premier-bilan-cgt-de-la-reforme-statutaire-doctobre-2015/

https://cgt-justice.fr/projets-de-reforme-statutaire-des-greffiers-et-greffiers-en-chef/

https://cgt-justice.fr/protocole-du-15-juillet-2014-une-attaque-sans-precedent-2/

https://cgt-justice.fr/protocole-daccord-la-honte-ou-travailler-plus-pour-gagner-moins/

https://cgt-justice.fr/wp-content/uploads/lettre_ouverte_taubira_mai2015.pdf

Pour rappel, nous avions refusé de signer le protocole de juillet 2014 qui, s’il permettait un reclassement lors de la mise en place des nouveaux décrets statutaires d’octobre 2015, apportait en revanche un certain nombre de conséquences négatives.

Selon les organisations signataires du protocole (UNSA/SJ, SDGF/FO, C-Justice), celui-ci n’était qu’une étape, ils n’avaient pas d’autre choix que de signer et la réforme mise en place par la DSJ n’était pas celle pour laquelle ils avaient signée (sic). Où en sommes-nous donc actuellement ?

Un mal-être palpable

Au sein de la DSJ, l’absentéisme est de 8,89%, en hausse continue depuis plusieurs années. Les réformes s’empilent, l’année 2021 n’étant malheureusement pas exceptionnelle, le tout sans moyens, sans accompagnement et sans effectifs supplémentaires. Entre 2018 et 2020, 375 postes ont été supprimés au niveau national. Exception notable pour l’année 2021, avec la création de… 1 poste (!), celui correspondant au directeur de l’ENG…

Au concours externe de greffier, le nombre d’inscrits a chuté de 36% depuis 2017. Le taux de présence aux écrits se situe actuellement autour de 35% sur les quatre dernières années (33 % en 2020), bien au-dessous de la moyenne 2013-2016 (48%). Alors que pour les directeurs le taux demeure autour des 48% (51% en 2020).

Au sein des greffes, la fuite

En février 2020, nous avions fait un sondage sur Twitter (204 réponses). A la question « au vu des tendances actuelles au sein du greffe, êtes vous « disposés » à partir des Services judiciaires », les collègues avaient répondu ainsi :

    • Oui je veux partir : 50%

    • Oui, pourquoi pas : 24,5%

    • Non, pas actuellement : 25,5%

Les collègues greffiers préfèrent partir en détachement plutôt que de passer DSGJ (- 24 % de candidats internes depuis 2012). Le ministère l’a lui-même constaté. Auparavant, une des portes de «sortie» des greffiers était le passage dans le corps des DSGJ (16% des greffiers arrivés avant 1990), mais l’accès a diminué (7% des greffiers arrivés entre 1990 et 2008) 1., même si la majorité des externes sont de « faux » externes.. Même la promotion au choix de B en A n’attire plus : en 2020, pour 1 poste il y avait 7 candidats contre 30 en 2001…

Ces dernières années, de nombreux collègues sont partis dans d’autres corps de A par la voie du concours (notamment attachés d’administration). Au sein des Services judiciaires, entre 2014 et 2018, le nombre de détachements a augmenté de 404%. Pour les greffiers, il a augmenté de 408% (98 greffiers partis en 2018). Des détachements qui se transforment la plupart du temps en intégrations, et donc disparaissent des statistiques…

Les postes de fonctionnels, une réussite ?

La création d’un statut d’emploi de greffiers fonctionnels (une malheureuse exception au sein de la fonction publique) était censée permettre la « reconnaissance » des fonctions du greffier. Elle a surtout permis la suppression de 124 postes de directeurs de TI et CPH entre 2015 et 2019 (27% des postes dans ces juridictions). L’impact ? De nombreux postes laissés vacants avec des conséquences pour les juridictions concernées (collègues obligés de se répartir le travail entre eux, directrices/teurs qui tournent en remplacement sur le poste de B fonctionnel…).

Si les emplois fonctionnels de greffiers chefs de greffe ont immédiatement trouvé preneur (les collègues concernéEs n’avaient guère le choix !), l’administration a eu beaucoup plus de mal à pourvoir les autres, sachant qu’il n’y en a eu guère que 550 créés sur les 1 000 prévus au bout de 5 ans…

Ces emplois de greffiers fonctionnels, censés être les plus importants, ont vu aussi arriver en détachement des catégories B d’autres ministères, sans la connaissance des métiers de greffe, et avec une formation d’adaptation à l’emploi de seulement quelques semaines. Comment peut-on reconnaître la spécificité et la technicité du corps des greffiers dans cette situation ?

Nous avions dénoncé en son temps l’aberration que constituait ce statut d’emploi en catégorie B, la démonstration en est aujourd’hui clairement établie !

Côté directeurs, dans le dernier « mouvement » de directeurs fonctionnels, sur 9 postes pourvus, 5 l’ont été par des attachés…

Les organisations syndicales et/ou catégorielles signataires sont très taiseuses sur cet échec…

La réforme de 2015 a-t-elle revalorisé la grille indiciaire ?

Le ministère l’a lui-même constaté : les greffiers gagnent 13% de moins que les autres catégories B2. S’il y a bien évidemment eu un reclassement fin 2015 (et heureusement !, c’est bien le seul argument qu’il reste aux syndicats signataires), nous avions dénoncé les conditions de reclassement beaucoup moins favorables de greffier en greffier principal induites par la nouvelle grille (celle-ci démarrant plus bas que l’ancienne) et l’allongement de carrière ayant un impact négatif sur le temps long. Un des syndicats signataires, avant de virer de bord, avait d’ailleurs écrit : « on nous demande donc d’accepter une grille qui sera bénéfique à un greffier quand il aura 57 ans ». Dont acte.

Nous avons déjà dénoncé à maintes reprises les conditions beaucoup moins favorables du reclassement de C en B du fait du statut de 2015. Deux documents plus détaillés à ce sujet sont consultables sur notre site :

https://cgt-justice.fr/fake-news-sur-le-reclassement-de-c-en-b/

https://cgt-justice.fr/choix-des-postes-c-en-b-quelques-mots-sur-le-recul-issu-du-protocole-de-2014/

Et côté fonctions ? L’assistance du magistrat par le greffier est bien évidemment l’un des « nœuds » du problème. Si elle est inscrite dans le statut, elle n’est pas effective avec les assistants de justice et les juristes assistants. Si, comme nous l’avons déjà écrit à plusieurs reprises, nous ne sommes pas favorables à un passage du corps en catégorie A, en revanche nous réclamons une vraie grille de B+.

Concernant ce passage en catégorie A, nous observons d’ailleurs que ceux qui le revendiquent haut et fort ont signé une réforme qui empêche de facto toute évolution du corps des greffiers en catégorie A…

Chez les directeurs, la création d’un troisième grade n’a évidemment pas été une avancée.

A qui a bénéficié la réforme statutaire ?

Les collègues qui étaient à l’époque futurs retraités ont bien heureusement profité du reclassement. Mais comme nous l’avons déjà écrit, il aurait pu/dû y avoir des conditions de reclassement pour les futurs retraités ET une grille des greffiers construite pour « l’avenir ».

Côté administration, nous avions écrit à plusieurs reprises que la réforme s’auto-finançait (malgré les 11 millions qui appâtaient les OS signataires). En 2015, nous avions calculé que la réforme côté DSGJ permettrait l’économie de 8 millions d’euros. Il faut se dire que les 124 postes de DSGJ supprimés, c’est plus de 2,9 millions économisés par année.

Enfin, certains permanents syndicaux des organisations signataires ont bénéficié d’avancements négociés directement avec l’administration, passant parfois au-dessus de l’avis de la CAP, ou ont obtenu des médailles, pour récompenser leur signature…

Et après ?

Du côté des organisations signataires du protocole, si cette signature était claironnée et assumée en 2014 (ces derniers titrant leurs tracts : « signer c’est s’assumer, signer c’est s’engager pour le présent et l’avenir », « pourquoi nous avons signer (sic) »), ils sont moins flambants actuellement. En 2017, devant une promotion à l’ENG, une de ces représentantes s’était expliquée par « on a cru bien faire ». La ligne de défense actuelle est plutôt de dire qu’il faut que la CGT arrête de regarder vers l’arrière. Comme qui dirait, « ce n’est pas un échec, c’est que ça n’a pas marché »…

Pourtant, notre position est claire : mettre à bas les décrets statutaires de 2015 et repartir sur de nouvelles bases !

Nos revendications (non exhaustives) :

Révision totale des statuts de 2015 (grilles indiciaires, conditions de reclassement de C en B)

Une réelle grille de B+ pour les greffiers (équivalente à la grille des CPIP de janvier 2019 – les indices figurant dans le tableau sont les indices majorés)

Grade

Échelon

Ancienne grille greffiers (2003)

Grille greffier

(2015)

Grille greffier (2020 PPCR)

Grille CPIP (2010)

Grille CPIP (2019 PPCR)

SMIC (pour comparaison)

316 (en 2014)

321

329 (en 2020)

   

De base

1er

314

327

356

360 (1er échelon)

dernier

500

515

534

550

569

Sommital

1er

411

380

392

453

470

dernier

534

562 (573 pour 1% du grade)

587 (598 pour 1% du grade)

608

633

Pour la filière technique, fusion avec celle de l’administration pénitentiaire et création de postes de B et A techniques ;

Suppression des statuts d’emploi fonctionnels ;

Extension des missions des greffiers avec la création d’un service public de l’exécution des décisions de justice, assuré par le greffier ;

Réel rôle d’assistance du magistrat pour les greffiers en conformité avec ce que prévoit le statut depuis 2003 ;

Positionnement des DG comme administrateurs des juridictions ;

Recréation de postes de DSGJ dans les juridictions de proximité et les conseils de prud’hommes, avec possibilité de passage de B en A pour les collègues actuellement B fonctionnels par la voie d’un examen professionnel exceptionnel ;.

Lors d’une réunion bilatérale avec la CGT le 19 janvier dernier, M. Dupond-Moretti nous a annoncé la mise en place prochaine d’un groupe de travail sur la question des statuts à la DSJ…

Il y a des bilans à tirer, et des propositions à discuter !

Avec la CGT, pour la reconnaissance de nos métiers !

1Infostat Justice n°170 (juin 2019)

2Infostat Justice n°170 (juin 2019)

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