Déclaration liminaire à la CAP des greffiers du 21 septembre 2023

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Déclaration liminaire

Commission Administrative Paritaire du 21 septembre 2023

L’IMAGE ET LA MISE EN SCÈNE

Nous vous le disons tout net : cette déclaration liminaire a été réalisée sans trucage.

Avant toute chose, et c’est pour nous le plus important, nous souhaiterions avoir un mot pour notre collègue, Christophe, adjoint technique qui s’est donné la mort sur son lieu de travail dans des circonstances qui ne peuvent que nous horrifier et nous révolter. Nous sommes déterminés à savoir, et le plus rapidement possible, quelle part de responsabilité a le « management bienveillant » de notre ministère dans cet événement dramatique. Si l’administration refuse toujours de soumettre sa politique RH au contrôle d’une expertise libre et indépendante, nous espérons qu’une mission d’inspection de l’IGJ sera rapidement ordonnée par le garde des sceaux. Nous le devons à notre défunt collègue et à l’ensemble de la communauté judiciaire de Valenciennes. En attendant, toutes nos pensées et tout notre soutien vont à sa famille, à ses proches et à ses collègues.

Si nous parlons d’image, c’est évidemment pour évoquer la communication du ministère de la Justice. Savoureux mélange entre éléments de langage, formules-chocs et démagogie. Quelle plus belle image des négociations que celle des OS représentatives, en présence du DSJ et de la SDRH, rassemblée après la signature d’un accord de méthode sur les marches de l’hôtel de Bourvallais. Sauf que derrière la photo, il y a la mise en scène hypocrite du ministère qui s’est jusqu’à présent contenté d’imposer ses thèmes et ses idées, ses projets médités depuis de longues années… On peut l’affirmer sans réserve : de négociations celles-ci n’en porte que le nom.

Petit pas par petit pas, le rouleau compresseur de la gestion publique gagne du terrain, avec toujours la même obsession depuis la LOLF : faire plus avec moins, le gâteau pour le capital et les miettes pour les travailleurs. Car quand on part d’une première proposition à 10 points d’indice en plus par échelon, c’est bien de miettes que nous parlons. On se demande quel énarque a pu avoir l’idée d’éteindre l’incendie dans les greffes à grand coup d’alcool à brûler. Toujours est-il que le compte n’y est pas et qu’il est encore aujourd’hui loin de l’être !

Restons dans l’arithmétique. Si Bercy se plait à rouler Vendôme dans la farine question budget, pas besoin d’être comptable de formation pour repérer la supercherie dans les annonces du ministre concernant la répartition des nouveaux effectifs. On parle de 1 500 greffiers supplémentaires mais en fait, sur le plan national (DOM/TOM compris), 750 postes vont servir à combler les vacances d’emplois par rapport à la CLE 2022 et seulement 750 seraient des créations au-delà de celle-ci… Enfin, d’ici 2027 évidemment. Et là, tous nos collègues font le ratio ! Si le nombre de greffiers augmentent aussi peu, quand celui des magistrats va augmenter considérablement, qui fera le travail du greffe ?

 

Exemple sur Paris, on vous épargne le calcul, mais en retirant les vacances et les surnombres, on aurait d’ici 2027, 70 créations de greffiers et 116 créations de magistrats (40% de plus) sur le plan quinquennal. Dans le même temps, sur la période 2023/2025, on recrute 154 juristes assistants (ou attachés de justice) qui bien sûr, n’assureront pas les missions des greffiers mais, au contraire, augmenteront considérablement les stocks et leur charge de travail. C’est donc une magnifique opération de com’ au profit d’une contractualisation exacerbée. L’arbre peine à cacher la forêt…

Le ratio magistrat/fonctionnaire sera d’autant plus déséquilibré que la pénurie d’adjoints administratifs dans les services judiciaires s’aggrave d’année en année. L’administration aura toutes les peines du monde à appâter le chaland. Et pour cause, dressons le portrait de notre profession.

Quotidiennement, nous exerçons nos missions sans être suffisamment nombreux, dépourvus des moyens matériels et informatiques pourtant indispensables à la continuité du service public. Nous nous épuisons au travail, nous nous tuons à la tâche, si bien que, à force de supporter la charge de deux ou trois agents, nous finissons en burn out, en arrêt maladie ou en congé longue maladie ou longue durée quand les conséquences ne sont pas encore plus dramatiques… Le greffier n’est ni un magicien, ni un super-héros. Il n’a pas de baguette magique pour faire disparaître les stocks et il ne peut pas exécuter cinq tâches à temps plein en même temps.

Ce n’est pas encore le syndrome France-Télécom mais ça commence vraiment à y ressembler.

Les décès de Charlotte, Marie, Christophe et de tous les autres devraient sonner le glas de ces choix politiques et budgétaires mortifères. Mais malgré ces signaux d’alarme, le ministère continue de faire la sourde oreille, persiste dans son aveuglement et maintient la pression, notamment statistique, sur l’ensemble des agents. Sous-prétexte d’évaluer des politiques publiques ou pénales, la politique du chiffre ne sert qu’à préparer l’avenir politique de nos responsables. Cela devient insupportable et parfois même ridicule, comme cette enquête de l’IGJ sur les motivations des émeutiers du mois de juin… Sans commentaire.

Face à ce mépris institutionnalisé, les organisations syndicales, à leur corps défendant, sont contraintes de faire le service après-vente de l’administration, en accompagnant des collègues toujours de plus en plus nombreux pour des détachements, des démissions, des disponibilités ou des congés formations. Notre mission principale est désormais de permettre aux agents de quitter le navire pour ne pas tomber avec la citadelle alors que celle-ci tente de fermer ses portes, propre aveu de son échec et de sa paupérisation. Car nos collègues fuient évidemment pour espérer trouver de meilleures conditions de travail mais aussi, pour quelques centaines d’euros en plus, tout simplement parce que la hausse du coût de la vie et l’inflation galopante ne leur permettent plus aujourd’hui d’exercer le métier pour lequel ils ont tant donné.

Pour les greffiers, comme pour l’ensemble des fonctionnaires de greffe, la coupe est pleine et déborde depuis beaucoup trop longtemps. Les personnels des services judiciaires, magistrats compris, se sentent et à juste titre, abandonnés par leur hiérarchie, oubliés par la centrale, sacrifiés par l’État.

Les effectifs des services centraux et gestionnaires RH n’ont pas arrêté d’augmenter sur ces dernières années et pourtant, pour la plupart des greffiers, les premiers niveaux de la pyramide de Maslow ne sont toujours pas atteints. Nous réclamons pourtant des choses simples mais pour autant essentielles :

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L’amélioration significative des conditions de travail afin de respecter notre santé et notre dignité ;

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La réaffirmation du sens profond de notre mission, car derrière chaque dossier il y a un être humain ;

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La juste rémunération que nous méritons, c’est-à-dire à la hauteur de notre technicité.

Nous continuerons de le répéter jusqu’à la fin de la période des négociations, entièrement couverte nous le rappelons par notre préavis de grève, nous réclamons l’application aux greffiers de la (vraie) grille des CPIP 2018 avec une reprise intégrale de l’ancienneté, le maintien de chaque agent dans leur échelon. Il est temps que les petites mains de l’ombre, méprisées, écrasées et invisibilisées, soient enfin respectées et considérées !

Enfin, nous profiterons de cette déclaration liminaire pour réclamer la cessation immédiate de toutes formes d’intimidation à l’encontre des collègues pendant cette période de mobilisation et le respect plein et entier du droit de grève.

Vos Élues CAP CGT SJ

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