Déclaration liminaire à la commission administrative paritaire des greffiers du 21 novembre 2023

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Déclaration liminaire

Commission Administrative Paritaire du 21 novembre 2023

PETIT PAS POUR CERTAINS,

RECUL HISTORIQUE POUR TOUS LES AUTRES

Jamais le corps des greffiers n’avait été aussi uni.

Or, c’est bien connu, pour mieux régner il faut avant tout diviser…

Désormais, c’est chose faite puisque la DSJ, avec la complicité de trois organisations syndicales représentatives, a réussi son coup en consacrant la scission du corps des greffiers des services judiciaires dont les élus de cette instance sont les représentants. Peut-être que, 12 000 greffiers partageant partout en France des conditions de travail indignes, écrasés par le manque de considération, par la surcharge de travail et par les réformes en escadrille, risquaient un jour de représenter une menace, en tout cas budgétaire, pour le ministère de la justice. Le garde des sceaux devait sans doute préférer une masse salariale plus docile, corvéable à merci, prête à travailler bénévolement, parfois même le week-end, à grands coups d’heures écrêtées et de pauses déjeuner sautées, au point de s’en bousiller la santé.

En tout cas, on peut légitimement se poser la question lorsque Dupond-Moretti, devant la Cour de justice de la République (CJR), reproche à Molins d’avoir partagé la photographie du rassemblement des greffiers devant le Palais de justice de Paris en tweetant un message de soutien aux greffiers saluant « leur travail indispensable à l’œuvre de justice ». Apparemment, le ministre se sentait personnellement visé par notre mobilisation. Ou peut-être culpabilise-t-il d’en être personnellement responsable ?!

Quoi qu’il en soit, l’administration a eu 6 mois (enfin plutôt plusieurs années), pour revaloriser substantiellement le corps des greffiers, tant sur le plan des missions que sur celui des rémunérations. Force est de constater que la réforme qu’ils désignent comme « ambitieuse » ne sera pas suffisante pour contrebalancer l’échec patent de notre politique de recrutement notamment au regard des statistiques du dernier concours des greffiers. La désertification est massive. Dans certains centres d’examens franciliens, on a constaté un taux d’absentéisme de 85% entre le nombre d’inscrits et le nombre de présents. Le jury du concours se retrouve dans une situation où il y a moins de candidats que de postes à pourvoir… Les 1800 places supplémentaires vont avoir du mal à trouver preneur, surtout avec notre grille indiciaire actuelle.

C’est d’ailleurs parce que l’administration a totalement raté le coche de la revalorisation indiciaire substantielle que nous avons décidé de lancer en septembre notre campagne « Stop au bénévolat«  pour permettre à tous les greffiers d’obtenir le paiement de leurs heures écrêtées et de mettre enfin un terme au travail dissimulé qui sévit dans les juridictions. Évidemment pour l’administration, qui a depuis longtemps fait le choix de la privatisation, cela suppose un travail considérable de récupération et d’exploitation des données des logiciels de gestion du temps, données qui devraient être présentées en AG et intégrées au RSU. Horoquartz, Virtualia, Xtime, Kelio, Incovar, E-temptation, Chronotime, Zeus, Chronos, les badgeuses numériques utilisées dans les juridictions qui appliquent les horaires variables sont nombreuses et chacune a son lot de dysfonctionnements et de fonctions inadaptées avec la réalité si particulière du temps de travail dans les services judiciaires.

Bien sûr, là encore, nous ne parlons que de la partie immergée de l’iceberg. Les témoignages sur le groupe Facebook des greffiers en colère sont légions et éloquents. Souvent le bénévolat ne peut pas être estimé et ne se traduit pas en heures écrêtées, c’est-à-dire, effectuées sur les heures d’ouverture du greffe. Il y a les greffiers qui arrivent bien avant l’ouverture de la juridiction, à partir de 6h ou de 7h, parfois même plus tôt dans les DOM-TOM à cause de la circulation. Il y a aussi ceux qui partent après 19h, 20h, 21h alors qu’ils ne sont évidemment ni en acte, ni en audience. Il y a enfin ceux qui font des amplitudes horaires phénoménales lorsqu’ils sont en télétravail, qui bossent depuis chez eux le weekend et pendant leurs congés ou encore qui se déplacent au greffe pour pouvoir avancer et écluser sans être interrompu par les urgences, les appels téléphoniques, les mails, les justiciables ou les avocats.

C’est ça la réalité quotidienne du métier de greffier et, depuis l’appel des 3000, cette réalité est connue de tous, des JT à l’Assemblée car les langues des collègues, épuisés, se sont déliées.

Si l’on parlait sérieusement de notre rémunération, les chiffres donneraient la nausée. Il suffirait pourtant de diviser notre traitement au volume horaire réellement accompli chaque mois. Nous n’allons pas faire ce calcul car le chiffre ridicule sur lequel nous tomberions risquerait de sérieusement nous déprimer.

Évidemment sur ces questions salariales, adjoints, directeurs et même magistrats ne sont pas en reste. Beaucoup d’autres directions et administrations traversent ces difficultés notamment l’éducation et la santé. Mais trop souvent le « c’est pire ailleurs » et le « ne vous plaignez pas » ont fait taire les revendications légitimes des greffiers. De plus en plus, on cumule les contraintes du public, la nécessité de service et la continuité du service public, avec les contraintes du privé. Sans avoir évidemment les avantages dont peuvent bénéficier certains salariés en entreprise. Par exemple, si nous ne devions n’en citer qu’une mais qui fait hélas l’objet de nombreuses saisines de notre organisation syndicale, ce serait la question des autorisations d’absence dont la plupart, quel que soit le motif, sont réservées à l’appréciation discrétionnaire du chef de service ; appréciation qui dans la grande majorité des cas, du fait de la surcharge, ne bénéficie pas à l’agent et l’empêche de lier vie privée et vie professionnelle !

« L’intendance suivra ». Les greffiers ont bien compris que c’était le mot d’ordre de notre administration. Les recrutements intensifs de greffiers vont droit à l’échec mais les vannes sont bien ouvertes côté magistrats, juristes assistants et attachés de justice. L’ENM va recruter 500 auditeurs de justice au titre de 2024 et c’est une bonne chose, notamment pour tous les collègues dont nous allons évoquer les recours CPF et congés formation. Mais le ratio 1 magistrat pour 2 fonctionnaires n’en a plus pour longtemps, sauf à considérer les attachés de justice comme des fonctionnaires de greffe ce qui ne sera pas le cas compte tenu de leurs missions. Les décisions vont être de plus en plus nombreuses avec toujours moins de collègues pour leur donner une réalité juridique et une force exécutoire. Comme toujours, l’Etat met la charrue avant les bœufs car c’est bien le greffe qui porte la justice sur son dos et celle-ci restera à l’arrêt s’il décide de claquer la porte. D’autant que, sous couvert d’indépendance et d’inamovibilité du magistrat, trop souvent, le greffe devient une variable d’ajustement. On déplace nos collègues, réduits à de simples ressources, au gré des exigences et des caprices des juges ou des parquetiers qui, chaque fois qu’une difficulté est rencontrée, et peu importe les responsabilités, obtient du DG que le collègue soit muté ou changé de service.

Mais malgré tout ça, parce que nous aimons profondément notre métier, au point de le représenter dans cette instance nationale, nous continuerons de nous battre tant sur la question des salaires, que nous évoquions aujourd’hui, que sur la question des conditions de travail, des missions, et du statut, que nous avons toujours évoquées dans nos déclarations liminaires passées.

Vos Élues CAP CGT SJ

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