Loi Justice : quel impact à venir ?

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Téléchargez la note de la DSJ du 8 avril donnant des éléments de langage aux chefs de cour.

Loi Justice : 

quel impact à venir ?

Le 25 mars 2019, au lendemain de la promulgation de la loi Justice (au JO du 24 mars, avec application immédiate pour un certain nombre de mesures), la garde des Sceaux diffusait un mail à tous les agents indiquant, notamment, que « la préparation de ce texte[…]a mobilisé tous les magistrats et les agents du ministère » et ce alors que les agents n’ont jamais été consultés sur les projets. Belle langue de bois macronienne. Au contraire, de nombreux rassemblements ont eu lieu afin de dénoncer cette absence de concertation. 

La DSJ a édité une note le 8 avril à diffusion très limitée à destination essentiellement des chefs de cour pour expliquer l’impact de la réforme, avec quelques éléments de langage. 

Décryptons ces différentes annonces.

  • La fusion CPH/TGI/TI :

Concernant les greffes, la mesure la plus emblématique qui va résulter de cette loi va être la fusion/suppression des TI et des CPH prévue par l’art. 95 de la loi, au 1er janvier 2020 : 

=> le TGI devient le tribunal judiciaire absorbant le TI se trouvant dans la même ville (soit 164 tribunaux judiciaires), les TI se trouvant dans d’autres villes deviennent des chambres de proximité (dénommés tribunaux de proximité) dépendant du tribunal judiciaire (125 tribunaux de proximité) ;

=> les CPH seront également, de fait, fusionnés : «lorsqu’un conseil de prud’hommes a son siège dans la même commune que le siège d’un tribunal judiciaire ou de l’une de ses chambres de proximité, le greffe du tribunal judiciaire comprend, d’une part, les services de greffe de cette juridiction et, d’autre part, le service de greffe du conseil des prud’hommes, dans des conditions propres à garantir le bon fonctionnement du conseil de prud’hommes. Le président du conseil de prud’hommes est consulté sur l’organisation du service de greffe du conseil de prud’hommes. »

Ce qui signifie qu’il ne restera au final plus que 14 CPH disposant d’un greffe propre (Aix-les-Bains, Argenteuil, Arles, Cergy-Pontoise, Chateaudun, Creil, Epernay, Forbach, Lannoy, Longwy, Louviers, Oyonnax, Thouars et Villeneuve-St-Georges) dont le DG sera autonome.Rappelons que sur le projet de fusion des CPH, la rapporteure de l’Assemblée nationale a consulté un syndicat des tribunaux de commerce…

La ministre s’est engagée à ce qu’il n’y ait pas de suppressions de « lieux de justice ».Actuellement peut-être, mais après ?

  • L’organisation du contentieux et l’impact humain :

Au delà de la fusion des juridictions , il va y avoir un impact en terme d’organisation des services, équivalent à une seconde réforme de la carte judiciaire :

=> les compétences des tribunaux de proximité seront fixées par décret et des compétences complémentaires pourront être ajoutées aux « chambres de proximité » par les chefs de cour après avis des chefs de juridiction. Mais sans Portalis, le transfert de compétence va être entravé par des problèmes informatiques… La compétence socle des TI est quasi-maintenue dans les tribunaux de proximité, hormis celui spécifique des contrats de travail et marin et celui des élections professionnelles. Pour la nationalité, « l’attribution[…] en cours d’examen. » (!). Mais rien n’empêche que sur certains départements une spécialisation des chambres détachées soient prévue.

=> pour les agents du greffe, une « garantie de maintien dans les fonctions et des mesures d’accompagnement spécifiques », la fusion TGI/TI devant créer « une communauté unique de travail » (sic). La mutualisation des greffes doit également permettre « une organisation de travail interne, dotée d’effectifs permettant de s’adapter aux augmentations ponctuelles de charge de travail ou aux absences imprévues de personnels », alors qu’actuellement les placés (C, B et A) sont prévus justement pour pallier les absences ! Combien de postes vont être supprimés à l’occasion de la fusion ? Rappelons que la fusion des TI parisiens (22 sites) a permis de supprimer 19% des postes (38 sur 198) ! 

=> concernant les agents nommés dans un tribunal de proximité, ils « ne pourront pas être mobilisés sans leur accord (?)sur un autre site ». l’article du COJ prévoyant les délégations devra être modifié après consultation des syndicats. De plus « la question de la participation des greffiers du tribunal de proximité aux astreintes et permanences du tribunal judiciaire se pose » (!). Là aussi, nous devrons être consultés ;

=> la mutualisation va également impacter les postes de direction, celle-ci devant également permettre « d’améliorer l’encadrement des personnels du tribunal judiciaire par la création d’une véritable équipe de direction et l’harmonisation des pratiques managériales ». Comme si ce n’était pas possible auparavant ? « Les emplois de directeurs de greffes et de chefs de service seront mis en cohérence avec les besoins d’encadrement[…] » via une « nouvelle cartographie ». Combien de postes de DSGJ vont encore être supprimés à cette occasion ? Rappelons qu’entre 2015 et 2018, 118 postes ont été supprimés dans les TI et CPH, et que 115 postes sont menacés par la réforme de 2015 ! Pourtant, le ministère constatait que dans les services judiciaires il y avait un encadrant pour 18 agents, contre 1 pour 4 dans la Fonction publique d’État ! Les postes de B fonctionnels chefs de greffe seront également impactés, mais dans quelle mesure ? 

=> les 285 régies des TI vont être impactées. Celles des TI supprimées seront fusionnées , concernant celles des TI extérieurs, « le fonctionnement d’une seconde régie […] pourra être envisagé » selon la note du 8 avril, alors que la garde des sceaux avait déclaré à Nevers le 11 janvier qu’elles seraient supprimées au 1er janvier 2021. A terme, c’est donc la suppression des 285 postes de régisseurs qui est prévue ;

=> il faut y ajouter plusieurs mesures qui vont permettre à l’administration de supprimer des postes : la création d’une juridiction nationale de traitement des IP qui doit permettre un « gain de l’ordre de 185 ETPT » ; le transfert de gestion de fonds à la CDC ce qui permettrait la suppression de 140 ETP, la vérification des comptes de tutelles enlevée aux DG (« économie » de 15 ETPT) ; déjudiciarisation ou suppression de contentieux…

Enfin, ajoutons qu’un certain nombre de mesures ont été d’application immédiate au 24 mars. Des fiches DACS ou DACG ont été éditées, sans forcément être communiquées, et les mises à jour informatiques ne sont pas encore programmées… Une constante à chaque réforme de la Justice…

Bref, la promulgation de la loi soulève plus de questions qu’elle n’en apporte et les inquiétudes sont légitimes. Au niveau national, nous seront consultés sur les projets de décrets d’application, ainsi une consultation est prévue au CTSJ du 17 avril 2019. Au niveau régional, les chefs de cour ont reçu pour consigne de mettre en place des groupes de travail pour accompagner la mise en place de la réforme.

Les inquiétudes et les interrogations sont nombreuses. Au vu de la façon dont a été menée la mise en place des pôles sociaux, c’est malheureusement devenu la norme au ministère de la Justice. Mais nous resterons mobilisés et vigilants sur la mise en place de cette loi et nous continuerons à nous opposer à toutes les régressions qui pourraient figurer dans les décrets d’application.

Enfin, nous remercions nos centaines de collègues qui ont signé les pétitions contre la fusion des TI et des CPH.


Montreuil
le 10 avril 2019

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