Malaise général dans la justice : communiqué commun syndicats de fonctionnaires et magistrats

Vous pouvez télécharger le communiqué commun en PDF ici.

Paris, le 25 novembre 2021

Conditions de travail ultra-dégradées :

malaise général sur fond d’états généraux

Alors que le Président de la République a lancé il y a moins d’un mois les « états généraux de la justice » afin de mettre tous les sujets de réforme sur la table, le suicide d’une jeune magistrate ayant moins de deux ans de fonction remet en lumière les conditions de travail réelles dans les tribunaux.

La « modernisation » en mode dégradé participe à la détérioration du service public

La tribune rédigée par les magistrats s’est focalisée sur l’exercice professionnel de ces derniers suite à l’émoi suscité par le suicide de leur collègue, alors que celle-ci avait, quelques temps avant, fait part de sa souffrance au travail. Ce mal-être, dans un contexte de conditions de travail dégradées, touche néanmoins tous les personnels de justice, quel que soit leur statut ou leur corps. Cette tribune illustre un principe qui guide l’action de toutes les administrations judiciaires depuis plus de 20 ans : le mépris du travail réel, ou pour le dire de manière plus policée, « l’intendance suivra ».

Mais il y a bien longtemps que l’intendance, réduite à un système de moyens de contrôle strict généralisé des budgets et des recrutements, ne suit plus et n’est pas orientée dans l’intérêt des usagers, ni dans celui des personnels.

Entendue il y a quelques années à l’occasion d’un discours de rentrée dans une cour d’appel la phrase : « La justice s’est modernisée, nous avons supprimé cinq juridictions en trois ans », est profondément révélatrice de cet état d’esprit.

Des adaptations déraisonnables, causes de souffrance au travail

Les outils de travail inadaptés, les locaux souvent vétustes et dégradés à quelques exceptions près, la volonté de couper les personnels des juridictions de contact avec les autres professions du droit, et surtout les injonctions délirantes à la productivité, sans considération pour la qualité, démotivent les personnels et parfois abiment, voire tuent, souvent ceux les plus attachés au métier qu’ils font et à l’idéal qu’ils servent.

Les réformes se succèdent sans considération pour les usagers et les personnels : le ministère et son administration font ce qu’ils veulent sans tenir compte des dires des organisations syndicales de fonctionnaires et de magistrats, les propositions de ces dernières étant quasi-systématiquement écartées. Le comité technique des services judiciaires qui s’est tenu jeudi 25 novembre l’illustre encore une fois, alors que les sujets abordés ne sont pourtant pas sans conséquence sur le travail et la charge de travail des personnels, agentEs et magistratEs, ni sur l’accès gratuit pour les usagers au service public de la justice.

Quant aux usagers, ils attendent de plus en plus longtemps de comparaître et rencontrent leurs juridictions pour des minutes de plus en plus en plus comptées, ne leur permettant pas de se sentir toujours écoutés.

Comme projet de réponse le ministre de la justice a annoncé sur une chaîne de télévision le recrutement de 50 magistrats, mais sans aucune annonce pour les fonctionnaires de greffe, et pour cause, leur chiffre global sera en diminution (-10) en 2022, alors que le taux de vacance est de 6,8% dans les greffes soit 1500 postes vacants dont 600 greffiers… Chacun appréciera..

La Direction des services judiciaires a annoncé que les conclusions de l’inspection organisée concernant les conditions d’exercice de la magistrate qui s’est suicidée seront rendues publiques exception faite des « éléments de la vie privée », que sa famille avait été contactée et que le CHSCT local était saisi. C’est bien le moins ! C’est sans préciser que la saisine de l’inspection et du CHSCT l’ont été sur demande des organisations syndicales.

Réponses politiques navrantes en miroir d’un appel à l’aide

L’administration, après avoir manqué à sa mission d’organisation normale des services, a apporté aux plaintes des agents une réponse absolument navrante par sa modestie.

Aucun des groupes de travail des « états généraux » n’envisage d’ailleurs de concourir à résoudre de tels drames et aucun atelier thématique n’est consacré aux moyens de l’institution judiciaire, ce qui décrit assez le sens des priorités présidentielles et gouvernementales pour la justice.

L’administration protège les statistiques et pas ses personnels

Combien de morts, d’arrêts maladie, ou de démissions faudra-t-il encore pour que l’on protège les usagers et les agents avant de protéger les statistiques ?

Il est plus que temps d’abandonner ces terminologies déshumanisantes, d’abandonner la « gouvernance par les nombres pour remettre l’humain au centre des préoccupations politiques pour la justice.

C’est la vie de millions de Français qui se joue chaque année devant les tribunaux. Ils ont droit à un procès digne devant un tribunal impartial, dans des délais raisonnables.

Leur garantir ce droit, c’est à l’heure actuelle, la seule question qui vaille, la seule qui redonnera du sens à nos métiers.

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