Numérique : changeons de logiciel !

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A voir (si l’intranet ne rame pas trop) l’intervention du ministre devant le Sénat le 16 juin 2021 selon laquelle il n’y a aucun problème informatique dans les services judiciaires :

NUMÉRIQUE : CHANGEONS DE LOGICIEL !

La Cour des comptes n’a pas encore pris sa carte à la CGT et pourtant son récent rapport soulève un certain nombre de problèmes que nous relevons depuis plusieurs années (voir par exemple nos réponses au questionnaire sur la transformation numérique). Une rapide recherche permet de constater que le certificat de sécurité du site est expiré depuis le 9 mars 2021… On comprend mieux la panique qui a saisi le ministère à l’annonce d’une attaque informatique qui s’est avérée fictive.

Pour des logiciels adaptés (si ce n’est pas trop demander…)

A chaque déploiement de nouveau logiciel, le sentiment est le même : une expérimentation au rabais, un lancement malgré des retours négatifs, sans étude d’impact et avec le parti pris de l’administration que, comme l’intendance, le greffe suivra.

Nos outils de travail sont inadaptés. L’enquête de satisfaction de juin 2019 notait que 42% des répondants sont insatisfaits des outils, 69% se plaignent de la lenteur du matériel et 74% de celles des applicatifs… La précédente garde des sceaux, dans un tweet condescendant du 17 février 2017, avait déclaré que « refuser la dématérialisation n’est pas envisageable pour notre service public ». Lors de son intervention devant le Sénat du 16 juin 2021, l’actuel garde des Sceaux a démontré sa méconnaissance totale des difficultés que nous rencontrons. En effet, les « outils » informatiques du ministère alourdissent notre charge de travail alors qu’ils devraient la soulager.

On recense 743 logiciels pour l’ensemble du ministère avec souvent des codes d’accès différents. Deux écueils : certains logiciels sont trop anciens et obsolètes et les plus récents trop complexes. Quant à l’actualisation des trames, elle conduit à un bricolage quotidien (voir aussi le rapport de la cour des comptes page 83).

Même si le garde des Sceaux a affirmé l’inverse devant le Sénat, le logiciel Cassiopée fait encore hurler plus d’un agent du greffe. Le ministère était censé en avoir tiré la leçon, or la Cour des comptes conteste la méthodologie de lancement de sa version civile, à savoir le logiciel Portalis. Pour rappel, la saisine de la Justice « en ligne » (via justice.fr) est possible pour quelques procédures, mais derrière, les agents doivent faire du copier-coller. Absurde ! Sur ce logiciel, les politiques ont donné la priorité à l’affichage, c’est-à-dire l’accès des usagers. Il aurait mieux valu faire avancer le projet d’application web pour le greffe civil. Cela aurait évité le bricolage actuel qui consiste à donner aux agents distants du serveur local, l’accès aux bases de données de celui-ci, par le biais d’un serveur virtuel dédié dans chaque juridiction (Tribunaux judiciaires et de proximité), donc de faire du bricolage… Il faut dire que ces dernières années les demandes d’accès transverses se sont multipliées par la Loi de Programmation pour la Justice d’une part, par la crise sanitaire et son corollaire, la « généralisation » du télétravail d’autre part.

Le petit dernier des logiciels, c’est le Système d’Information sur l’Aide Juridictionnelle, censé permettre aux usagers de faire des demandes d’aide juridictionnelle en ligne. Or, le logiciel, qui pour l’instant ne permet que de déposer des demandes d’AJ (Aide Juridictionnelle), pas de les traiter, a été lancé très rapidement le 24 novembre et seulement pour des raisons de communication politique. Le surlendemain du lancement, l’équipe en charge demandait surtout « de ne pas trop communiquer sur la possibilité de formuler une demande d’AJ par voie numérique » (sic !), preuve que le logiciel n’est pas au point. Depuis, les agents font face à de fortes lenteurs qui empêchent de travailler… Ces dernières années, on pourrait multiplier les exemples, comme l’impact négatif qu’a eu le déploiement du Portail des usagers sur les éditions des logiciels. A cela il faut ajouter qu’avec la wébisation des logiciels, nous connaissons d’importants ralentissements de réseau qui entravent notre travail alors même qu’on nous demande de travailler toujours plus vite.

Pour des métiers de l’informatique

En 2017, le ministère avait calculé que la transformation numérique permettrait « des économies d’emplois à hauteur de 327 ETP dans les services judiciaires ». Les derniers calculs rapportés par la Cour des comptes chiffraient les « économies d’emploi » à 633. Entre 2018 et 2020, 375 postes ont été supprimés au sein des services judiciaires, indépendamment de toute transformation numérique.

Le rapport de la Cour des comptes est très critique sur l’externalisation des fonctions informatiques (pages 88 à 92). Le rapport indique qu’il y a trop de contractuels : 78% au Service Numérique et 65% dans les DIT (Départements Informatique et Télécommunication) en 2021 contre respectivement 60% et 44% en 2017. De plus, les ressources des projets sont externalisées à hauteur 91%, ce que le rapport qualifie de faiblesse et de carence. Il est donc primordial de réinternaliser afin de maîtriser nos systèmes d’information et nos coûts de développement !

S’agissant du nombre de contractuels, il explose tout simplement parce que nous n’avons aucun corps d’informaticien (SIC, Système des informations et communications), à l’exception du corps des ISIC (ingénieur SIC de catégorie A) ouvert à l’interministériel par décret du 29 mai 2015, alors que les besoins sont importants. Rappelons que, faute d’existence d’un corps de B technique en administration centrale, nombre d’agents des DIT se voient cantonnés dans le corps des SA, ce qui ne leur permet pas de faire valoir leur technicité. Aussi, nous revendiquons la création d’un corps de technicien des SIC comme au ministère de l’intérieur ou l’ouverture de ce corps de catégorie B à l’interministériel. Les recrutements dans le corps interministériel des ingénieurs des SIC doivent se poursuivre. Nous revendiquons l’intégration des agents des DIT dans ce corps.

Le rapport de la Cour des comptes fait quelques rappels utiles au ministère : accompagner au changement les agents et faire une évaluation a posteriori des projets. Cela pourrait sembler une évidence, mais pas dans notre administration…

 

Montreuil le 2 février 2022

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