Projet de loi justice : casse du service public de la justice

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Projet de loi Justice :

casse du service public de la Justice

Pour rappel, l’un des sujets principaux du projet de loi Justice est l’intégration des TI, CPH et TGI au sein des tribunaux judiciaires. Sur la mise en place de la réforme, la garde des sceaux a fait des annonces à Nevers et la DSJ a fait des annonces sur l’intranet, hormis sur… les CPH !

Sur l’organisation territoriale : « tous les lieux de justice sont maintenus » : cela veut-il dire que des sites pourraient être conservés, mais sans personnel, pour y tenir des audiences foraines ? Les chefs de cour auront la possibilité de créer des pôles spécialisés quand il y aura plusieurs tribunaux judiciaires dans un département, voire même des spécialisations inter-départementales !!! Vous avez dit lisibilité ?

Quant aux TI, les 160 se trouvant dans la même ville qu’un TGI seront fusionnés au 1er janvier 2020, les effectifs seront donc mutualisés directement (2 633 agents concernés) avec ceux du TGI. Leurs affectations seront « basées sur les compétences des agents et la charge de travail de la juridiction nouvelle ».

Les 125 TI restants(1 066 agents concernés) deviendront des « chambres de proximité »et conserveront les compétences actuelles des TI, compétences qui seront fixées par décret, et qui pourront être complétées par des compétences complémentaires sur décision des chefs de juridiction. Quant aux effectifs fusionnés, ils vont constituer une « communauté de travail » (sic!). Des délégations sur d’autres sites seront possibles, mais seulement avec l’accord de l’agent… Comment y croire ?

Mais la garde des sceaux indique que « la question de la participation des greffiers du tribunal de proximité aux astreintes et permanences du tribunal judiciaire se pose ».Effectivement, la question se pose ! Certains TI sont situés actuellement à 1h30 (voire plus) de transport en commun du TGI, et même en région parisienne !! 

Le ministère annonce que « les emplois de directeurs de greffes et de chefs de services seront mis en cohérence avec les besoins d’encadrement » . Belle langue de bois… faut-il envisager d’autres suppressions de postes de directeurs ? Entre 2014 et 2018, 96 postes de directeur de greffe ont été supprimés du fait de la réforme statutaire. En 2018, il restait 115 postes menacés sur les critères retenus par la DSJ. Combien de postes seront supprimés au final ?

Une annonce faite par la garde des sceaux ne nous a malheureusement pas étonnés : les régies des 160 TI fusionnés seront supprimées au 1er janvier 2020, les 125 autres le seront au 1er janvier 2021. La mesure permettra au ministère d’économiser 140 ETP…

Enfin, la loi prévoit de créer une juridiction nationale de traitement dématérialisé des injonctions de payer, et ce apparemment au TGI de Strasbourg. En 2016, le traitement des IP mobilisait 202 ETPT. D’après le ministère, la centralisation permettrait un « gain de l’ordre de 185 ETPT» !! Les ETP restants, après ceux pour les PACS ou le tribunal de police (respectivement 117 et 150 ETP en 2016), seront donc supprimés sur l’ensemble des TI du territoire pour être « redéployés », et on peut le penser en moins grand nombre, dans une seule juridiction qui traitera les IP de façon dématérialisée. Quels effectifs attribués ? Mystère…

S’agissant des CPH (209 CPH pour 1 162 agents),un amendement a finalement été introduit pour maintenir un greffe du CPH au sein du greffe du tribunal judiciaire. Il y aura une « communauté de travail » (sic !) sur laquelle le président du CPH sera consulté… La rapporteuse du projet de loi a indiqué que l’amendement a été élaboré « avec les syndicats, notamment FO, qui représentent les greffes des tribunaux de commerce (sic et re-sic !) » . Le maintien de ce greffe ne garantit rien aux agents avec la suppression de la juridiction. Au final, seulement 14 CPH ne seraient pas concernés par la fusion et seront des chambres détachées « prud’homales » du tribunal judiciaire…

Ces annonces sont censées être rassurantes. Mais elles révèlent des objectifs non affichés : mutualiser les effectifs pour supprimer des postes (comme cela a été fait lors de la fusion des TI parisiens : 19% des postes supprimés à cette occasion) et permettre aux chefs de juridiction d’avoir un volet d’agents plus importants sous la main. De même dans ces conditions, l’avenir des placés se pose… Quant aux promesses d’accompagnement, il suffit de voir la façon dont sont mis en place les pôles sociaux pour avoir des craintes importantes. En effet, nous allons subir de plein fouet cette réforme et dans des conditions inquiétantes. De plus cette réforme va être mise en place alors que la médecine de prévention et les inspecteurs santé et sécurité au travail constatent une dégradation inquiétante des conditions de travail des agents qui génère des tensions, une déstabilisation du fait des modifications importantes de l’environnement professionnel et une modification des organisations de travail insuffisamment anticipée.

Les chiffres de l’année 2016 sur les conditions de travail dans les services judiciaires donnent le frisson :

=> 19 jours d’absence par agent, contre 16,6 dans le privé ;

=> 58% des agents ont été en arrêt maladie, contre 38% dans l’industrie et le BTP ;

=> l’absentéisme est de 8,4%, contre 3,9% dans les entreprises de plus de 50 salariés.

Bref, nous craignons une dégradation extrêmement importante des conditions de travaildes agents des services judiciaires dans les années à venir, car la réforme va faire empirer la situation.

Le ministère promet que des discussions seront engagées avec les organisations syndicales. Quand on voit ce qu’a donné la « concertation » engagée sur le projet de loi, nous avons quelques inquiétudes…

Avec l’éloignement des sites où la justice est rendue, le tout-numérique, la privatisation de certaines missions, c’est le service public de la justice, accessible et gratuit, ainsi que les conditions de travail des agents, qui vont être encore plus détériorés : nous ne pouvons que dénoncer l’ensemble de cette réforme !

A Paris le 29 janvier 2019

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