Projet de réforme de la justice : table ronde du 30 janvier 2019 au Sénat

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Paris, le 30 janvier 2019

Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs

les sénatrices et les sénateurs

Je vous précise tout d’abord que notre organisation syndicale est, de loin, la plus représentative parmi les directeurs des services de greffe, et la 2è en représentativité parmi les greffiers. 

Notre intervention portera sur l’article 53, auquel sont opposés syndicats de fonctionnaires des greffes, syndicats de magistrats et syndicats ou organisations professionnelles d’avocats. Une telle unanimité aurait dû pour le moins interpeller la garde des sceaux…

Et à tout le moins justifier a minima une expérimentation sur quelques sites… 

Depuis Descartes, nous savons que c’est le doute qui fait avancer l’humanité, et non l’obscurantisme des intégristes de tous poils. 

Nous ne craignons pas que se cache derrière la fusion TI/TGI une volonté de supprimer des juridictions pendant cette législature… mais cela le facilitera ultérieurement… 

En 2013, une enquête “Opinion des Français sur la justice”avait montré que les conseils de prud’hommes était la juridiction la mieux identifiée par les citoyenNEs (88 % savaient à quoi ils servent), contre seulement 56 % pour le tribunal de grande instance… 

Selon la même enquête, 95 % considéraient la justice trop lente, et l’on ne voit pas comment la fusion TGI/TI pourrait améliorer la question, au contraire.

L’un des principaux problèmes de la justice, en dehors des moyens, c’est la gouvernance des juridictions : 

Nous prenons régulièrement l’exemple de l’hôpital : il est fait pour soigner les patients, c’est le travail des médecins, mais ce ne sont pas eux qui dirigent l’hôpital, et le directeur de l’hôpital n’est pas sous leur autorité.

Les tribunaux sont faits pour rendre la justice, et c’est le travail des magistrats, ce n’est pas leur travail de gérer les tribunaux.

De nombreux rapports ont conclu qu’il fallait recentrer le juge sur ses missions de dire le droit, trancher les litiges… Mais c’est exactement le contraire qui se passe…

Il y a près de 30 ans, dans le cadre d’une mission d’enquête sénatoriale présidée par Hubert Haenel, le rapporteur Jean Arthuis déclarait : 

“… le ministère de la Justice est extraordinairement centré sur lui-même, auto-administré, les magistrats ont toujours considéré qu’ils devaient prendre en charge eux-mêmes l’administration de leur ministère et qu’ils devaient tout à la fois être experts en relations humaines, en gestion financière, en informatique, en construction ou en programmation, autant d’exigences qui à chaque fois ont été des échecs retentissants... ». 

On ne peut mieux résumer la situation ! 

Plus proche de l’hôpital, ans les conseils de prud’hommes, c’est le directeur de greffe qui gère la juridiction, sous le contrôle a posteriori du président et du vice-président du conseil… 

Or à quoi assistons-nous ?

Depuis fin 2015, la majorité des postes de directeurs de greffe des conseils de prud’hommes, dans le cadre d’une prétendue “réforme statutaire” rejetée par la grande majorité du corps, sont transformés, au fur et à mesure qu’ils se libèrent, par des greffiers “fonctionnels”, détachés sous statut d’emploi et éjectables à tout moment… 

Loin de recentrer le juge sur sa mission, la fusion TI/TGI ne va que renforcer le pouvoir des petits potentats locaux, au détriment du bon fonctionnement du service public de la justice. 

Le summum est atteint avec l’amendement ajouté subrepticement concernant l’intégration du greffe des conseils de prud’hommes au sein du greffe du futur tribunal judiciaire :

– Lors des débats de l’Assemblée nationale du 17 janvier, la rapporteure indique que “l’amendement … présente l’avantage de sanctuariser l’existence d’un greffe du conseil de prud’hommes” et plus loin “la rédaction, qui a été élaborée avec les syndicats, notamment Force ouvrière, qui représentent les greffes des tribunaux de commerce, sacralise l’existence d’un greffe du conseil des prud’hommes au sein du greffe judiciaire.

Dans notre République laïque, le greffe du conseil de prud’hommes n’avait besoin d’être ni sanctuarisé, ni sacralisé ! Il n’existe tout simplement pas de juridiction autonome sans greffe autonome ! 

Et élaboré avec quels syndicats ? Quel rapport avec les greffes des tribunaux de commerce, de droit privé ?

– peu après, c’est la garde des sceaux qui indique que “l’organisation que nous proposons vise à permettre au justiciable qui se présente au service d’accueil unique du justiciable – SAUJ – d’être accueilli au sein d’un greffe unifié…”

Mais pas du tout ! Il y a des sites, comme Roubaix, où le SAUJ est à 60 mètres de l’entrée du palais de justice, à l’intérieur du TI, alors que les salles d’audience du CPH étant à l’entrée du palais, l’accueil du CPH y est également. La fusion des greffes ne va rien changer à cela ! 

Et jamais personne ne se présente à l’accueil d’un conseil de prud’hommes pour divorcer ! 

Seul le lobby des conférences des chefs de juridictions et des premiers présidents est favorable à la fusion, mais il est vrai que la notion de service public de la justice leur est souvent inconnue… 

Notre syndicat national CGT demande donc la suppression de l’article 53.

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