Réunion métiers de greffe du 29 septembre 2021 – Bilan de la contre-réforme et « perspectives » (suite) : VERS L’AMPLIFICATION DE LA CASSE DES MÉTIERS DE GREFFE

Vous pouvez télécharger le compte-rendu en cliquant ici.

 

Réunion métiers de greffe du 29 septembre 2021

Bilan de la contre-réforme et « perspectives » (suite)

VERS L’AMPLIFICATION DE LA CASSE DES MÉTIERS DE GREFFE

A l’occasion de cette nouvelle réunion, des éléments chiffrés, demandés par la CGT depuis fort longtemps, nous étaient livrés sur table plutôt que d’être communiqués à l’avance. Cette très mauvaise habitude prise par l’administration ne nous permet donc pas d’analyser comme il se doit tous les éléments fournis.

Si nous avons pu saluer l’important travail de compilation, nous déplorons les nombreux biais de présentation, visant à présenter la réforme de 2014-2015 comme une réussite.

A titre d’illustration, vous constaterez de vous-même ce graphique, dont l’augmentation paraît impressionnante :

Comme tout graphique, tout dépend de l’échelle : en regardant dans le détail, cette augmentation impressionnante équivaut à une augmentation chiffrée de… 4 DSGJ supplémentaires ayant accès aux indices 1015 et à l’échelon spécial HEA !? Vraiment très impressionnant, non ?!

Cette insincérité ne s’est pas retrouvée que dans les chiffres. Ainsi, le sous-directeur des ressources humaines des greffes a insisté sur le fait que la réforme se ferait en « co-construction » avec les organisations syndicales, novlangue de bois managériale pour parler de cogestion. La cogestion étant une pratique permettant à l’employeur de partager le poids de la responsabilité des reculs des droits des travailleurs avec les syndicats.

Nul besoin, pour la CGT, de préciser que, « co-construction » ou cogestion, il n’en a jamais été question puisque nous refusons tout recul des droits des agents.

Par ailleurs, pour les organisations syndicales qui seraient tentées par le piège de la « co-construction », il faut souligner que, dès le départ, celle-ci a énormément de plombs dans l’aile : le 8 juillet, il nous était répété à trois reprises que les états-généraux de la justice risquaient de bousculer nos « travaux » ; bis repetita ce 29 septembre, aucune date nouvelle de rencontre n’étant fixée du fait des états-généraux de la justice…

Le directeur des services judiciaires et le sous-directeur des ressources humaines des greffes n’ont eu de cesse de dire que rien n’était ficelé. Cependant, depuis cette réunion, nous avons reçu une invitation à un « cocktail déjeunatoire » à la suite duquel le président et le ministre de la justice feront des annonces, entre autres, sur les métiers du greffe…

Pour revenir sur le bilan de la contre-réforme de 2014/2015 qui nous a été présenté, si l’administration a enfin reconnu l’échec du statut d’emploi de greffier fonctionnel (notre précédent communiqué a certainement aidé…), pour le reste, les données sont à l’image du graphique ci-dessus.

Pour les directeurs des services de greffe judiciaires (DSGJ)

En avant-propos, l’administration se préoccupe du malaise qui s’empare des DSGJ et de leur positionnement difficile. Ce n’est pas une découverte pour la CGT : la contre-réforme y est bien pour quelque chose, et les modifications significatives de leur formation initiale qui ont suivi, axée sur le « management » n’a pu qu’amplifier ces difficultés de positionnement face aux magistrats. Ce n’est pas pour rien que 10 % du corps part en détachement…

Sur un premier tableau, nous constatons une baisse de la localisation des emplois de DSGJ sur le périmètre des services déconcentrés (SAR + juridictions) entre 2015 et 2021. En contrepoint, le tableau des effectifs réels, qui fait apparaître une hausse sur la même période, ne comprend pas le même périmètre : ils comptent ici les DSGJ de l’administration centrale… rendant la comparaison inopérante. Ce qu’il faut bien retenir, c’est la baisse de la localisation des emplois de DSGJ dans les services déconcentrés ! Rappelons qu’entre 2015 et 2019, 27% des postes de DSGJ ont été supprimés dans les CPH et TI…

Preuve supplémentaire que les fonctions de DSGJ ont été rendues moins attrayantes avec la contre-réforme, le nombre de promus au choix dans le grade principal, puisqu’ils n’étaient plus que deux en 2020 (quatre en 2021). Il manquait fâcheusement le nombre de candidatures, qui ne cesse de chuter et qui ne couvre même pas le nombre de postes offerts…

Pour les greffiers

Un superbe tableau démontre le niveau important de recrutement de greffiers depuis 2014… alors que ces recrutements ne sont pas liés à la « réforme » mais aux recrutements insuffisants des années antérieures… qui ne figurent pas dans le tableau… ainsi qu’à l’augmentation des départs à la retraite.

Un tableau nous présente l’effet bénéfique du reclassement entre l’ancienne et la nouvelle grille, qui ne dit rien du bénéfice de la « réforme » : tout reclassement est nécessairement favorable, aucun recul n’est possible ; c’est d’ailleurs ce reclassement qui aura représenté la plus grosse part de l’enveloppe budgétaire dédiée à la « réforme »… reclassement qui se sera fait sur le grade sommital du B-type…

Le comparatif entre la précédente grille et la nouvelle est complètement faussé puisqu’il est fait sur le nombre d’années nécessaires pour faire valoir ses droits à la retraite (notons au passage qu’au vu de la date d’entrée en vigueur des nouveaux statuts, le nombre d’annuités utilisé est incorrect : à partir de la génération née en 1973, ce n’est pas 42 ans de cotisations, nombre retenu, qu’il faut accumuler, mais 43 ans) ; or, c’est sur la durée de la grille que l’on calcule les avancées, ou les reculs, d’une réforme statutaire !

Et qui, aujourd’hui, pourra réellement exercer le métier de greffier pendant 43 ans ? (il faudrait commencer entre 19 ans, âge auquel les étudiants ont rarement le bac +2 requis, et 22 ans… sachant que la majorité ont un bac +5, niveau en principe obtenu à 23 ans au plus tôt…)

L’entourloupe est fructueuse pour l’administration puisque sur une vie de travailleur, la réforme est largement bénéfique ; ce qui n’est pas en contradiction avec notre analyse : la CGT a toujours dit que la nouvelle grille était plus avantageuse pour les collègues en fin de grille puisque les échelons terminaux étaient sensiblement relevés ; c’est donc une fois le sommet de la grille atteint (pour ceux qui y réussissent) que l’on peut espérer rattraper le retard perdu sur la durée de la grille.

En effet, sur la carrière d’un greffier, allongée avec la nouvelle grille à 31,5 ans (contre 27,5 ans auparavant…), l’administration n’a toujours pas réussi à contredire nos calculs aboutissant à une perte, pour unE greffièrE entrant dans le corps, d’environ 40 000 euros sur la durée de la nouvelle grille par rapport à la précédente !

Les adjoints administratifs et l’examen professionnel de C en B

L’administration et les signataires continuent de se persuader que la contre-réforme a profité aux adjoints administratifs passant le C en B, au seul prétexte que l’administration s’était engagée à ce que la nomination se fasse sur le ressort de la cour d’appel de chacun des lauréats, promesse pas toujours tenue…

Les chiffres fournis montrent pourtant une baisse significative du nombre d’inscrits, et encore plus de présents, à l’examen de C en B.

Et pour cause :

il faut, depuis les nouveaux statuts, 11 ans d’ancienneté contre 9 ans auparavant pour pouvoir passer l’examen ;

le reclassement dans le corps se faisant sur la base d’un décret moins favorable (décret n° 2009-1388 du 11 novembre 2009) que précédemment, le gain n’est plus que de quelques points d’indice majoré ; le fait d’être maintenu sur son ressort ne signifie pas nécessairement gains au regard de l’étendue de la plupart des ressorts de cour d’appel, pouvant engendrés des frais de transports, garde d’enfants, qui dépassent les quelques points d’indices obtenus.

Rappelons que la CGT avait revendiqué le maintien du décret n° 94-1016 du 18 novembre 1994 modifié fixant les dispositions statutaires communes applicables à divers corps de fonctionnaires de la catégorie B pour le reclassement des C en B, plus favorable aux collègues puisque permettant, en fonction de l’échelon détenu dans le corps des adjoints administratifs, de gagner parfois jusqu’à 120 points d’indice majoré !1

Les fonctionnels

Concernant les directeurs fonctionnels, les postes localisés étant des postes pour la plupart déjà occupés, le taux de vacance ne peut qu’être faible. Par ailleurs, chaque augmentation de localisation de fonctionnel concernait des postes occupés dont les unEs ou les autres estimaient qu’il serait inéquitable que tel ou tel poste soit écarté.

La contrepartie, c’est le renforcement de la dépendance des directeurs fonctionnels aux chefs de cour et de juridiction, puisqu’en détachement pour deux fois 4 ans maximum, et qu’il peut être mis fin à leurs fonctions s’ils s’avèrent trop indépendants voire gênants…

N’oublions pas que ce statut est ouvert aux autres corps de catégories A, affaiblissant ainsi la spécificité de l’ancien corps de greffier en chef, devenu DSGJ, et ouverture qui a souvent été le cas de situations d’échec…

Concernant les greffiers fonctionnels, ce statut d’emploi reste une aberration puisque c’est le seul de catégorie B de cette importance de toute la fonction publique. Les chiffres fournis confirment l’échec total, à tel point que, sur les 1 000 postes qui devaient être localisés en 5 ans, seuls 400 le sont et seulement 73 % de ces postes sont occupés. Sur ces 400 postes, la grande majorité correspond aux anciens postes de B chef de greffe… Pour les autres, ils correspondent aux postes transformés de A en B (au moins 105 entre 2015 et 2019). Un succès, on vous dit !

Nous continuons et continuerons de revendiquer la suppression de ce statut d’emploi !

Les « perspectives » proposées par l’administration

La question des juristes assistants (JA) préoccuperait nos responsables d’administration. Mis en place il y a 5 ans, la CGT, entre autres, avait dénoncé l’enfumage consistant à promettre la magistrature comme voie de sortie à ces JA, alors que l’intégration ne pourrait être garantie à tous…

Nous nous retrouverons avec les mêmes questions dans 5 ans, lorsque les contractuels B et A recrutés depuis un an arriveront au bout de leurs deux fois 3 ans de contrat.

Entendre nos responsables d’administration vouloir clarifier des missions des uns et des autres dans un tel contexte pourrait être risible si les enjeux, à la fois des personnels contractuels concernés, mais également des corps spécifiques des greffiers et DSGJ, n’étaient si importants.

La CGT demande la clarification des missions des différents corps de métiers depuis 2014 au moins. Au lieu de cela, la contre-réforme de 2014/15 a ajouté aux C faisant fonction de greffiers mais avec une paye de C, les greffiers fonctionnels faisant fonction de directeur mais avec une paye de B.

Ce qui se profile, c’est un corps de « greffiers-juristes assistants » faisant fonction de magistrats mais avec une paye de A au lieu de A+. Pendant ce temps, les greffiers authentificateurs de la procédure risqueraient de se voir ramener à du B-type. Où serait le progrès ?

L’administration manœuvre de manière grossière : elle sait d’ores et déjà que le passage en A des 10 000 greffiers, bien que porté par plusieurs organisations syndicales, a les plus fortes chances d’être refusé par la fonction publique (et le budget), mais heureusement, elle a un plan B : le « greffier-juriste assistant » en A…

Pour les directeurs, l’administration voudrait les faire évoluer vers « l’interdirectionnel » pour permettre aux fonctionnels d’avoir des débouchés supplémentaires dans les autres directions… ce qui signifierait pour eux faire tourner des « boutiques » dont ils ne connaissent pas la culture et les pratiques professionnelles, les missions des différents corps de la direction à laquelle appartient l’établissement…

Pour les DSGJ « statutaires » (c’est-à-dire non fonctionnels), l’orientation « managériale » serait renforcée…

Les difficultés de clarification viennent certainement en partie du fait que la direction des services judiciaires et le ministère s’obstinent à penser l’équipe autour du magistrat plutôt que deux équipes, l’une de greffe, l’autre de magistrats, qui travailleraient ensemble… C’est pourquoi la CGT a réclamé qu’une réunion puisse avoir lieu entre l’administration, les organisations syndicales de fonctionnaires et celles de magistrats.

Nous avons également réclamé que les représentants syndicaux locaux soient entendus par la mission d’appui de l’inspection générale de la justice, puisque les pratiques et difficultés locales peuvent permettre de donner une vision d’ensemble de la juridiction du point de vue des représentants du personnel… ce qui n’a pas emporté l’enthousiasme du représentant de l’IGJ présent, c’est peu de le dire…

En tout cas, des retours que nous avons d’ores et déjà de cette mission d’appui, les dés semblent pipés et les choses « bien » ficelées…

Ne soyons pas dupes des discours et de la communication du ministère et du président de la République, pour nos métiers et leur forte reconnaissance salariale, pour le service public de la justice et les usagers, organisons-nous : nous n’obtiendrons rien sans une forte mobilisation !

A Montreuil, le 19 octobre 2021

1Lors du comité technique des services judiciaires du 2 juillet 2015, la sous-directrice des ressources humaines des greffes, qui dirige actuellement la mission d’appui sur la réforme statutaire, avait affirmé que ce décret était abrogé. Après que la preuve fut apportée en séance que le décret était toujours en vigueur selon Légifrance, il a été répondu qu’il était mis en voie d’extinction par la fonction publique… A ce jour, il est toujours pleinement en vigueur, à moins que Légifrance ne soit devenue une source moins fiable que nos administrations et inspection… ce qui relèverait de l’exploit !

Mise en Ligne