Audition par la cour des comptes sur les contractuels recrutés au sein des greffes

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Audition de la CGT par la cour des comptes

sur les contractuels recrutés au sein des greffes

Quelques éléments de contexte

  • Notre organisation syndicale a obtenu aux dernières élections professionnelles 23% des voix au CSA DSJ, 20% à la CAP des greffiers et, avant sa disparition, 43% à la CAP des directeurs aux élections de 2018 ;

  • Au sein des juridictions (cours d’appel et SAR compris) 22 174 postes, tous corps confondus, étaient localisés en 2022. Entre 2018 et 2020 375 postes ont été supprimés et 140 ETP sont actuellement menacés par la privatisation des saisies-rémunération ;

  • Notre direction connaît un absentéisme de plus de 8% (bien supérieur à celui de l’ensemble du ministère) tandis que les détachements ont augmenté de plus de 450% entre 2014 et 2020 ;

  • Au 31 décembre 2020 (derniers chiffres officiels connus), selon le bilan social de la DSJ, la DSJ comprenait 2 714 contractuels toutes catégories confondues, féminisés à 75 %. Les contractuels représentés alors 11% des effectifs de la DSJ contre 6,5% en 2019. Mais selon le bilan social du ministère, à la même date, la DSJ employait 3 756 contractuels représentant 11% des effectifs de la DSJ et 46% des contractuels employés par le ministère de la Justice…

Sur les contractuels « Justice de proximité »

Les recrutements de contractuels opérés en 2020 et mis en place par une note d’octobre 20201 (là encore sans aucune discussion) dans le cadre de la « justice de proximité » sont venus percuter une nouvelle fois l’organisation des juridictions par des recrutements de catégories C, B et A (ces derniers venant assister les chefs de juridiction).

La DSJ a posé le cadre dès le départ quant aux missions qui pouvaient être confiées aux B contractuels notamment en précisant que ceux-ci ne pouvaient pas prendre d’actes de greffe2. Cependant, il n’est pas exclut que des juridictions n’aient pas respecté les consignes.

Concernant l’arrivée des B contractuels, elle a été très mal perçue par les greffiers. Rappelons qu’un greffier fait 18 mois de formation à l’issue d’un concours sélectif (1 chance sur 11 pour un candidat présent à l’écrit) avec de fortes probabilité d’être affecté en région parisienne en sortie d’école (entre 50 et 70% d’une promotion) pendant une durée de 18 mois minimum pouvant aller jusqu’à 4 ou 5 ans avant de pouvoir espérer une mobilité. Alors qu’un contractuel est recruté près de chez lui, sans formation et avec un niveau de rémunération pouvant être supérieur à celui d’un greffier (à l’époque un B « avec expérience » pouvait être recruté au même montant qu’un greffier avec 5 ans ½ d’ancienneté). Le même commentaire vaut pour les A contractuels et les DSGJ3.

Concernant les missions, la note du 3 octobre 2020 prévoit que les B contractuels « ont prioritairement vocation à assurer des missions non-juridictionnelles d’appui auprès des personnels de greffe, notamment du greffier ». Cependant la note du garde des sceaux du 9 mai 2023 annonçant la pérennisation des contractuels (là encore sans concertation) prévoit que les postes de B contractuels qui ne seront pas pourvus pourront être transformés en SA. Ce qui veut dire que si un SA était recruté, au vu des missions du corps, il ne pourrait pas effectuer les tâches actuellement effectués par un B contractuel.

Cette note prévoit que pour les A non recrutés les postes pourront être rebasculés en juristes assistants en principe) et pour les C en adjoints administratifs, ce qui est une bonne chose au vu des 2 000 postes d’adjoints administratifs supprimés en 13 ans.

Sur les « attachés de Justice » :

En 2015, le ministère avait décidé (sans concertation) de créer les postes de juristes assistants et d’assistants spécialisés qui ont été mis en place sans aucune clarté ni aucune harmonisation des pratiques. Nous avons dénoncé toutes les problématiques de cette mise en place lors de notre audition par Mme LOTTIN4. Celle-ci a d’ailleurs dénoncé dans son rapport « une mise en œuvre qui percute les organisations ». Nous avions nous même écrit que « ce patchwork de contractuels, décidé dans l’urgence, vient se greffer sur l’organisation existante des greffes et vient percuter les fonctionnements avec des agents contractuels sous l’autorité fonctionnelle des magistrats mais sous l’autorité hiérarchique des DSGJ, voire même dont la gestion RH est assurée par les chefs de cabinet (chaque juridiction faisant à sa sauce) » tout en réclamant une clarification et en rappelant que les missions RH sont de la compétences des DSGJ.

De plus, rappelons que l‘article 4 du statut des greffiers (décret 2014-1275) prévoit que « les greffiers exercent également des fonctions d’assistance des magistrats dans le cadre de la mise en état et du traitement des dossiers ainsi que dans le cadre des recherches juridiques. Selon les directives des magistrats, ils rédigent des projets de décisions et de pas réquisitoires ». Or, avec tous ces assistants du magistrat, cette compétence du greffier ne peut être mise en œuvre…

Depuis, le garde des sceaux a décidé, seul dans son coin, de créer une mission d’attaché de justice (remplaçant celle de juristes assistants). Là encore sans concertation alors que nous devions entamer des discussions avec la DSJ sur les missions du greffier5 et toujours sans que nous ayons eu de discussion sur la place de chacun au sein des juridictions.

Lors des « discussions » sur le PJL en CSA ministériel les 9 et 10 mars, nous avons porté les inquiétudes de nos collègues sur l’article 11 notamment au vu du contenu du discours du garde des sceaux à Reims qui était très flou (et très inquiétant) notamment quant à la place des magistrats vis à vis du greffe.

En CSAM, l’administration a accepté quelques ajustements à la marge (retrait de la phrase « ils peuvent être chargés de fonction d’appui organisationnel auprès des chefs de juridiction » et l’ajout du fait que les attachés peuvent être des fonctionnaires ou des contractuels). Cependant on constate quelques modifications dans la version transmise au Sénat, à savoir :

  • l’ajout de la possibilité pour les attachés de justice d’assister aux délibérés ;

  • la suppression de la possibilité pour des fonctionnaires de catégorie B et A d’être recrutés comme assistants spécialisés ;

Il était question d’ouvrir la possibilité pour les greffiers d’exercer les missions d’attachés de justice, le garde des sceaux ayant évoqué pour les greffiers d’avoir « une perspective d’évolution professionnelle vers une catégorie A juridictionnel ». Le DSJ nous a indiqué lors du CSA ministériel que pour ce faire, les collègues devraient passer le concours d’attaché du ministère de la Justice (qui n’a absolument rien à voir avec les missions d’un greffier !) pour ensuite pouvoir candidater sur une mission d’attaché de justice… on marche sur la tête ! Alors que la possibilité, initialement ouverte pour les assistants spécialisés, d’être recrutés parmi les fonctionnaires de catégorie B aurait pu être une possibilité transitoire avant de pouvoir (enfin) ouvrir des discussions sur le rôle et la place du greffier. Qu’en sera-t-il dans le décret d’application ? Mystère !

Depuis, la DSJ a nommé le 15 mai une de « chargée de mission sur l’organisation des juridictions » nommée directrice de projet « modélisation (sic) des organisations ». On peut donc supposer que des discussions pourraient finalement s’ouvrir avec la DSJ. Il serait plus que temps au vu des bouleversements opérés depuis bientôt 10 ans sans aucune discussion de fonds !

P/ le syndicat CGT

des Chancelleries et services judiciaires

Montreuil le 5 juin 2023

1Note SJ-365-DSJ-02/10/20

2Rappelons que l’article R123-14 du COJ prévoit que « des personnels appartenant à la catégorie C de la fonction publique, et, le cas échéant, des auxiliaires et des vacataires concourent au fonctionnement des différents services du greffe » peuvent prêter serment et faire fonction de greffier.

3Voir notre tract du 20 octobre 2020 https://cgt-justice.fr/stop-a-la-casse-de-nos-statuts/

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